Decrès qui attend l’arrivé de Merlin pour se rendre à Malmaison, autoriser le départ de l’Empereur, écrit à Fouché à deux heures du matin :
«…Il est deux heures du matin et M. Merlin ne vient point. Je ne sais pas même quand il viendra, puisqu’on n’a pu le trouver. D’après le post-scriptum de votre dépêche d’hier, il paraît que je dois aller à la Malmaisonqu’avec lui. Cependant le temps presse, et dans cet état de choses je vous prie de me faire savoir si je dois ou non attendre M. Merlin pour aller notifier vos ordres à Napoléon… »
( Mémoires du duc de Rovigo, pour servir à l’Histoire de l’Empereur Napoléon 1er Edition nouvelle, refondue et annotée par Désiré Lacroix – Ed. Garnier frères – Paris – 1901 – t. V – p. 305)
Les Anglo-prussiens étaient déjà maîtres d’une partie du cours de la Seinepour Fouché, il devenait douteux que l’Empereur puisse leur échapper et il substitua le comte Boulay à Merlin, et ainsi, dans la nuit du 28 au 29, le conseiller d’Etat Boulay de la Meurthe, toujours fidèle à l’Empire, et Decrès, purent se rendre à la Malmaison, pour prier l’Empereur de hâter son départ vers Rochefort. Ils arrivent à l’aube.
L’officier de service réveille l’Empereur auquel les deux messagers délivrent le souhait de la commission : « …L’intérêt de l’Etat, comme le sien exigent impérieusement qu’il parte sans délai… »
Décrès
lui signale la présence très proche de la cavalerie prussienne. Davout a fait sauter les ponts de Chatou et de Bezons. L’Empereur promet à Decrés et à Boulay qu’il partira le jour même. Il tente une dernière fois de rester, faisant demander un commandement, et assurant qu’il s’exilerait lorsqu’il aura battu les Prussiens. Démarche vaine. Madame Mère fut la dernière personne qu’il vit. Il pénétra seul dans la chambre où était morte Joséphine. Et, à 17 h 30, vêtu en civil, il part avec Bertrand, Becker et Savary dans une calèche à 4 places. A 22 h, il arrive au château de Rambouillet où il couche. Il était passé par Rocquencourt et Saint-Cyr. (Louis Garros – « ma vie » Ed. de l’encyclopédie française – Paris – 1947- p. 471)
Lavalette vient aussi à Malmaison apporter les ordres dont on pouvait avoir besoin pour les maîtres de poste sur les deux routes qui mènent à Rochefort par le Berry et par le Poitou. « …Toutes les personnes qui suivaient ladestinée de l’Empereur étaient réunies à la Malmaison ; beaucoup d’autres étaient venues lui dire adieu. La princesse Hortense était avec plusieurs dames de sa Maison. L’Empereur les fit partir ainsi que tout ce qui était avec elles. Il embrassa tout le monde et dit à chacun des paroles d’amitié. Les officiers dela Gardevoulurent venir le voir ; il les reçut et les embrassa ; tous fondaient en larmes… » ( de Rovigo, pour servir à l’Histoire de l’Empereur Napoléon 1er » Edition nouvelle, refondue et annotée par DésiréLacroix – Ed. Garnier frères – Paris – 1901 – t. V – p. 306).
« …L’Empereur était presqueseul à la Malmaison,lorsqu’il y arriva un jeune négociant, M. Gabriel Delessert[1]qui accourait le prévenir qu’il avait vude la plaine Saint-Denis un très gros corps de cavalerie ennemie qui descendaitla Seineet seportait vraisemblablement sur la Malmaison. Cejeune homme le supplia de partir au plus tôt. L’Empereur fut sensible à l’intérêt qu’il lui témoignait et le remercia et fit avancer les voitures...Rovigo, pour servir à l’Histoire de l’Empereur Napoléon 1er ( Edition nouvelle, refondue et annotée par Désiré Lacroix – Ed. Garnier frères – Paris – 1901 – t. V – p. 308).
Dans l’après midi, l’Empereur quitte discrètement la Malmaison. L’abandon était tel que les employés des écuries avaient reçu de Paris l’ordre d’y faire rentrer tous les chevaux qui se trouvaient à la Malmaison, et l’Empereur n’aurait pu partir sans le dévouement de M. de Montaran, son écuyer, qui brava les ordres venus de Paris, garda les chevaux de traits dont l’Empereur avait besoin, les fit appeler devant lui, et ne quitta la Malmaisonqu’après que l’Empereur fut parti. La calèche de l’Empereur sortit la première par une allée du parc, discrètement. La calèche de l’Empereur se rendit par les bois du Butard à Rocquencourt, et sans passer par Versailles qu’elle laissa à gauche, elle alla à Saint-Cyr rejoindre la route de Chartres. La suite de l’Empereur était divisée en deux parties. La première était composée de plusieurs voitures dans lesquelles se trouvaient Mme Bertrand et ses enfants[2].
M et Mme de Montholon avec un enfant, M. de Las Cases et son fils, ainsi que plusieurs officiers d’ordonnance qui avaient demandé à accompagner l’Empereur. Toutes ces voitures devaient gagner la route d’Orléans, passer par Châteauroux et se trouver à un jour fixe à Rochefort. Le second convoi se composait d’une seule calèche d’été, dans laquelle était l’Empereur, Bertrand le général Becker et Savary. Le valet de chambre de l’Empereur était sur le siège de la calèche, et un courrier allait une demi lieue en avant pour que l’on trouvât les chevaux tout prêts en arrivant à chaque poste. L’Empereur était assis en face ses compagnons de voyage, en frac bourgeois, sans aucun signe de distinction. Il n’y avait aucun bagage dans la calèche, les généraux avaient beaucoup d’armes de toutes espèces. Les effets de l’Empereur étaient dans une autre voiture à deux places, dans laquelle était le général Gourgaud. Elle marchait deux heures en arrière. (voir « à l’Histoire de l’Empereur Napoléon 1er » Edition nouvelle, refondue et annotée par Désiré Lacroix – Ed. Garnier frères – Paris – 1901 – t. V – p. 308-309).
Le même après midi, Blücher donne l’ordre au major de Colomb d’investir la Malmaison.
L’Empereur arrive à Rambouillet à l’entrée de la nuit. Au lieu de passer par la ville, la voiture prend la grande avenue du château, où l’Empereur passe la nuit.
Bonnefoux préfet maritime à Rochefort écrit à Fouché : « …Monseigneur. J’ai reçu vos deux dépêches expédiées par estafette extraordinaire. La première, datée du 27 de ce mois, m’est parvenue hier 28, à 5 h 25 du soir ; la deuxième, en date du 28, m’est arrivée à minuit et demi le 29. D’après les dispositions que j’ai prises, les deux frégates seront prêtes la nuit prochaine. Elles auront quatre mois et demi de vivres, leur équipage complet, des rafraîchissements, quelques provisions de bouche et de couchage. Elles seront prêtes à filer leur câble de corps mort au premier ordre qu’elles recevront de faire route. Mais depuis trois ou quatre jours une croisière ennemie, composée d’un vaisseau, d’une frégate et de deux corvettes, se tient constamment à l’entrée du pertuis d’Antioche : ce sera une difficulté, mais je ne la crois pas invincible. Je me suis conformé aux ordres de V.E… » (« servir à l’Histoire de l’Empereur Napoléon 1er » Edition nouvelle, refondue et annotée par DésiréLacroix – Ed. Garnier frères – Paris – 1901 – t. V – p. 312-313).
Le général baron François RenéPouget[3], écrit à Davout en qualité de général commandant le département des Bouches du Rhône : « …Depuis six semaines les rapports journaliers me faisaient connaître combien l’esprit public était mauvais, non seulement dans la ville, mais encore dans tout le département, tout ce qui servait le gouvernement actuel y était en horreur et insulté…des proclamations de Louis XVIII se multipliaient, les Aigles insultés, arrachés et des insurrections prêtes à éclater. Les autorités militaires faisaient tout ce qui dépendait d’elles pour ramener les esprits à la hauteur de ceux de l’intérieur de la France. Quelques mesures énergiques, sans vexations, en imposèrent un instant, et l’on vit paraître le drapeau tricolore. Les autorités civiles agissaient mollement, aussi rien ne marchait-il, le rappel des militaires à leurs anciens drapeaux ne s’exécutait point…l’on ne rencontrait que des entraves dans toutes les opérations. Des rassemblements de militaires dirigés par les royalistes se formaient dans les montagnes d’Aubagne, de Brignolles, d’Alauch et dans les marais d’Arles ; ils étaient armés et pourvus de munitions militaires…L’on refusait à la mairie des enrôlements volontaires, rien ne marchait. Un calme apparent régnait depuis une vingtaine de jours lorsque le 25 juin l’on apprit les désastreuses nouvelles de l’armée du Nord et l’abdication de l’Empereur… » ; il expose les mesures prises, puis il décrit dans le détail l’insurrection de Marseille, les crimes et les lapidations, l’attitude des troupes restées fidèles, l’hésitation des autorités : « …l’arrogance et l’insolence qui a caractérisé le parti des Bourbons…la ville regorgeait de ces hommes qui ne respirent que meurtres et incendies…les horreurs qui y ont été commises ont fait monter le nombre de personnes fusillées, assommées, poignardées, étranglées à près de 500 et plus de 50 maisons pillées. Bientôt les Anglais y parurent…il y a un conseil royal qui dirige ces opérations…Je me propose de reprendre mes fonctions soit que Marseille rentre volontairement dans l’ordre, soit qu’on l’y contraigne…» (Agotani « Documents historiques » Marseille – n° 1/2007)
Davout télégraphie à Suchet pour lui prescrire de défendre tout le territoire national : « …Il ne faut rien céder… » C’était facile à dire, mais Suchet n’en avait guère les moyens. (Frédéric Hulot – « Le maréchal Suchet - Paris -Ed. Pygmalion - 2009 - P. 236
Wellington répète la fermeté des Alliés dans une lettre aux plénipotentiaires français : « …S.A [le maréchal Blücher] est convenue avec moi que, dans les circonstances actuelles, aucun armistice ne peut se faire tant que Napoléon Buonaparte est à Paris, et en liberté ; et que ses opérations sont dans un état tel qu’il ne peut pas les arrêter… » (Wellington- « The dispatches of the duke of Wellington – 1799-1815 » - volume 12 – Murray London – 1838 cité par AlbertBenhamou- «L’autre Sainte-Hélène » - Albert Benhamou Publishing – 2010 – p.7)
[1] Avant de partir pour Sainte-Hélène, l’Empereur
avait appris par les feuilles publiques ce qui s’était passé à la Malmaison
après
l’arrivée du détachement ennemi venu pour s’emparer de sa personne. Il reparla
encore de l’action généreuse de M. Delessert, et s’y est toujours montré fort
sensible. M. Gabriel Delessert, dont il est ici question naquit à Paris en
1786. Il fut jusqu’en 1836 un des agents les plus actifs de la maison
Delessert, dont le nom de probité était européen. Nommé en 1814, capitaine
adjoint de la Garde
nationale de Paris, plus tard adjudant-commandant sous les ordres des maréchaux
Moncey et Masséna et du général Durosnel, sa bravoure ne lui fit pas défaut à
la bataille de Paris, le 30 mars 1814 et il se distingua encore d’une manière
toute particulière l’année suivante, devant Saint-Cloud. Il avait bien conquis
d’avance le grade de colonel d’état-major, qu’il obtient en 1830, et celui de
général de brigade de la Gardenationale qui lui fut attribué en 1831. Mais en 1834, M
. Gabriel Delessert
abandonna les honneurs militaires pour la préfecture de l’Aude, fut nommé
ensuite à la préfecture d’Eure-et-Loir, dont il se démit en 1836 pour venir à
Paris comme préfet de police. Il conserva ce poste jusqu’en 1848 ;
complètement retiré du monde politique depuis cette époque, il est mort à
Passy, le 29 janvier 1858.
[2] Savary pense que Mme Bertrand ne partit que
le lendemain, mais tous les autres partirent de suite.
[3] 1767-1851. Plusieurs fois blessé lors de la
campagne de Russie, il avait été placé au commandement militaire des Bouches du
Rhône. Il annonce Marseille à l’annonce de Waterloo et commande à Toulon les
troupes restées fidèles.
C.F