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12 décembre 2013 4 12 /12 /décembre /2013 00:00

Robert Charles Surcouf

né en 1773 dans le petit village de Bénic, près de Saint-Malo. Il descendait par sa mère de Duguay-Trouin. Ce célèbre marin, l’un des plus intrépides qu’aient produits les dernières guerres, s’était embarqué dès l’âge de 13 ans, et après quelques voyages dans les mers d’Europe, il partit pour l’Inde, où il devait se signaler par des faits d’armes presque incroyables. Nommé capitaine à l’âge de vingt ans, il commanda successivement les corsaires la Clarisse, la Confiance et le Revenant. C’était un homme d’une force remarquable, quoiqu’il fût très gros et qu’il n’eût qu’une taille ordinaire. Sa figure était vivement colorée, et ce n’était pas la débauche qui la rougissait, car il était très sobre. Son intérieur était doux et heureux comme celui du citoyen le plus paisible : aussi n’était-il pas corsaire par tempérament ; il n’éprouvait pas ce besoin du désordre, du pillage, de la violence, du sang, qui a mis en saillie dans les fastes de la navigation tant de beaux courages si mal appliqués. On dit que c’est l’amour qui le jeta dans une profession qu’il a d’ailleurs honorée. Surcouf naviguait encore pour le cabotage, lorsqu’il se fit aimer d’une jeune personne dont il voulut obtenir la main. Il alla la demander à son père, homme riche, qui refusa net le jeune prétendant, et pour le décourager plus complètement, il lui dit sur le ton de la plaisanterie : Eh bien ! Surcouf, reviens me voir quand tu seras devenu bien riche, et peut-être alors nous ferons affaire. Surcouf prit cette réponse au sérieux et alla tenter la fortune dans l’Inde. À cette époque, elle était encore là pour les marins hardis : c’était en 1796. Un mauvais petit bâtiment le porta jusqu’à l’île de France. La course enrichissait dans ces parages ceux qui s’y livraient avec résolution. Surcouf s’y livra. Quelques jeunes gens de l’île de France armèrent un petit corsaire pour Surcouf qui fit voile courageusement pour les côtes de l’Inde, avec un équipage de Lascars. À l’embouchure du Bengale, où il se dirigea d’abord, il rencontra un petit convoi escorté par un bateau pilote, armé en guerre ; il aborda le pilote-boat et le prit ; il s’empara ensuite des bâtiments marchands anglais, se débarrassa de ses prises, de son propre navire, et passa sur le schooner avec dix-neuf hommes seulement. Ce premier succès enhardit Surcouf, qui va tenir la mer, courant après tous les bâtiments qu’il apercevra, en corsaire non autorisé, car il est parti de l’île de France sans ces lettres-patentes, qu’on appelle lettres de marque, qui donnaient au vol sur mer une apparence de légalité. Bientôt il aperçoit un gros trois-mâts ; il met le cap dessus : c’était un vaisseau de la compagnie des Indes, monté par 150 Européens et armé de 26 canons de 12 ; il se nommait le Triton. Comment prêter le flanc à un si fort ennemi ? le pilote-boat avait deux canons seulement ! Surcouf fait cacher tout son monde ; l’idée lui était venue de se faire passer un instant pour un des pilotes du Gange. « Je cours sur ce gros Anglais, dit-il à ses gens, je l’accoste : à un signal que je vous ferai, vous reparaîtrez sur le pont ; nous ferons une décharge de mousqueterie pour effrayer l’équipage, nous sauterons à bord et nous prendrons le bâtiment. » Les choses se passèrent comme il l’avait dit. Le combat qui s’engage sur le pont du Triton est terrible ; le capitaine anglais et dix de ses hommes sont tués, cinquante autres sont blessés, et Surcouf reste maître du vaisseau, n’ayant eu que deux blessés et un mort parmi les siens. Il fait signer un cartel d’échange à ses prisonniers, les envoie à Madras sur son petit schooner qu’il dépouille de toutes ses armes et mène son importante capture à l’île de France. Il remet à la mer le plus tôt qu’il peut, pour profiter de la chance qui paraît lui sourire, et cette fois c’est avec un corsaire un peu plus grand qu’il va en croisière. Après quelques jours de navigation, il rencontre trois vaisseaux de la Compagnie qui lui donnent la chasse. Ces vaisseaux sont gros, bien armés, et un d’eux porte 200 hommes de troupes passagères. Surcouf manœuvre habilement, il les divise, s’empare du plus voisin en moins de temps qu’il ne faut à celui qui vient après pour le rejoindre, aborde ensuite le second qu’il capture, et force le troisième à prendre la fuite. Ce fait d’armes prouve l’habileté et le courage du corsaire. Voici qui prouve son humanité : comme il montait à l’abordage du premier des bâtiments anglais, un des Lascars de son équipage poursuivait, le poignard à la main, un jeune midshipman d’un extérieur remarquable. L’Anglais, effrayé, éperdu, alla chercher un refuge dans les bras de Surcouf. Celui-ci lui fit un rempart de son corps au risque d’être frappé par le Lascar furieux. Léger comme le tigre, dont il avait la férocité, le matelot tourna plusieurs fois autour de son capitaine et perça la poitrine du midshipman que Surcouf défendait en vain. Baigné de ce sang qu’il avait voulu empêcher de couler, Surcouf laissa tomber sur le pont la victime de l’Indien, courut sur celui-ci et lui brûla la cervelle. En 1799 la frégate la Preneuse, commandée par l’intrépide Lhermite, venait de se perdre à l’île de France. L’équipage attendait une occasion de retour ou d’embarquement. Le bruit se répand que la Confiance va faire la course. C’était une corvette portant 26 canons de six, commandée par Surcouf. L’équipage fut bientôt formé des hommes de la Preneuse et d’un bon nombre de frères-la-côte, matelots de toutes les provenances, gens à toute épreuve et loups de mer s’il en fut. Enfin Surcouf embarqua quelques mulâtres libres de l’île Bourbon, chasseurs renommés, qui placent une balle dans la tête d’un lièvre à deux cents pas. Deux mois s’étaient passés ; six bâtiments avaient été pris et dirigés sur la colonie ; la course touchait à son terme, lorsqu’un matin la vigie cria : Navire ! Laisse arriver, crie Surcouf, le cap dessus ! tout le monde sur le pont ! Cet ordre est le signal d’un tumulte effrayant. Surcouf et ses officiers, Vieillard, Fournier, Puch, sont sur les barres de perroquet, cherchant à percer le voile des vapeurs du matin. Tout le monde est d’accord sur ce point : c’est un vaisseau de guerre ou un vaisseau de la compagnie des Indes. À dix heures la batterie du navire est distincte, deux ceintures de fer y déploient 56 canons. On n’en est qu’à deux lieues. Une apparence de sécurité contrastait à bord avec cet extérieur guerrier. On apercevait un certain nombre de dames à bord. Hissez le pavillon, dit Surcouf, et assurez-le d’un coup de canon. Le coup part, le navire étranger ne répond pas. Un second coup, dit Surcouf, et pointez par son travers. Cet ordre est suivi à la lettre ; pas de réponse encore. Feu partout ! s’écrie le corsaire, dont la colère croissait comme le carré du mépris que lui témoignait son adversaire. La volée partit tout entière, et lorsque le vent eut dissipé la fumée, on aperçut enfin la couleur anglaise, que vinrent bientôt assurer deux bordées à boulet. Amis, dit Surcouf, vous voyez ce beau navire. Il est sans doute chargé d’une riche cargaison ; mais il est beaucoup plus fort que nous. Tout nous prouve qu’il porte au moins du 22 en batterie et du 9 sur son pont. Nous ne sommes pas 100, et nos 25 canons de six ne sauraient lutter contre ses 56 pièces. Il ne faut donc pas songer à la canonnade, il nous coulerait ; mais il nous reste l’abordage. Je vous accorde le pillage pendant deux heures, pour ce qui n’est pas de la cargaison. En un clin d’œil les ordres sont exécutés. Un poignard, une paire de pistolets à deux coups garnissent chaque ceinture, la hache est dans toutes les mains. Les chasseurs de Bourbon se placent dans la chaloupe, pour y ajuster, comme derrière une redoute, les uniformes anglais. On était à demi-portée de fusil. Le Kent se balançait majestueusement sur toutes ses voiles. Les flancs des deux navires se froissent, et une bordée du Kent fait bondir sur les flots son faible adversaire. La Confiance n’y répond pas ; mais du porte-voix de Surcouf vient de sortir un cri : Saute à l’abordage tout le monde ! Surcouf s’est élancé, tous le suivent. Une affreuse mêlée s’engage au pied du mât de misaine. En cinq minutes, les corsaires furent maîtres du gaillard d’avant, mais ce n’était là que le tiers du champ de bataille ; et la foule des Anglais, condensée dans un moindre espace, en devenait plus impénétrable. Leur vieux capitaine, homme de cœur et de résolution, rassemblait ses formidables ressources pour écraser d’un seul coup les vainqueurs imprévus. Mais à son bord était maintenant Surcouf que la mort seule pouvait en faire sortir. Par l’ordre de l’intrépide corsaire, deux pièces de l’avant du Kent sont braquées sur l’arrière ; on les charge jusqu’à la gueule. Les Anglais, rangés derrière le fronton de la dunette, abattent par une fusillade soutenue les plus intrépides matelots de la Confiance. Les rangs s’éclaircissent, les blessés, les mourants jettent le désordre dans l’attaque. Tout à coup une décharge à mitraille, partie de l’avant, creuse la masse anglaise, et l’on s’élance jusqu’au grand mât. À l’instant même, une grenade éclate à l’arrière, et met une vingtaine d’Anglais hors de combat. Leur capitaine fut atteint le premier. Un dernier coup de canon part de l’avant, par l’ordre de Surcouf, un ouragan de mitraille sillonne ce champ de bataille de quelques toises, la dunette vole en éclats. Il se forme des barricades de cadavres, escaladées bientôt, et bientôt grossies de ceux qui escaladent. C’est une lutte de tigres avec les armes de l’homme. Devant Surcouf s’ouvre un large cercle dont le rayon grandit à chaque chute de son bras nu. Les Anglais se précipitent dans les panneaux, dans les porte-haubans, sur les mâts, dans les canots. « Il est à nous, dit le corsaire en brandissant sa hache sanglante, ne tuez plus que ceux qui résistent. » On dégage les grappins qui enlacèrent la Confiance à ce colosse de 1500 tonneaux. Une vingtaine de grenades sont lancées dans la batterie pour y faire taire les Anglais ; le navire est décidément pris.

 

Surcouf fit respecter les dames, toutes réfugiées dans la chambre du capitaine. Il y avait 250 prisonniers. La Confiance fut expédiée en chasse d’un Danois qui avait assisté au spectacle, et on les mit à bord. Quelques jours après on entendit crier : terre ! et c’était l’île de France. La fortune de Surcouf commençait à grandir. Cependant la plus grande partie lui était contestée par la loi. Il avait armé en course sans autorisation à sa première croisière ; aussi quand il avait atterri avec le Triton, on avait confisqué sa prise. Cependant les autorités de l’île de France consultèrent le Directoire qui, voulant récompenser la bravoure du jeune corsaire, proposa au Corps législatif de lui décerner, à titre de don national, la valeur de ses prises qu’on avait vendues au profit de la colonie ; il reçut 700.000 francs.

 

Il revint alors en France, et M. B… le trouvant assez riche, il épousa celle pour l’amour de laquelle il avait pris une carrière aussi aventureuse. Il pouvait vivre heureux à Saint-Malo ; mais un marin ne renonce pas si aisément à la mer. Surcouf, armateur et capitaine, fit de nouvelles campagnes, heureuses comme les précédentes. Le nom de l’intrépide corsaire était devenu la terreur du commerce anglais dans les parages de l’Inde, et le gouvernement anglais avait cru devoir renforcer de plusieurs frégates sa station dans ces mers ; mais en 1813, Surcouf fut chargé de conduire en France le Charles, vieille frégate, qu’il avait achetée au gouvernement et armée en flûte. Elle portait un très riche chargement. Il échappa par son sang-froid et l’habileté de ses manœuvres aux croisières anglaises et manqua de se perdre en entrant à Saint-Malo ; mais son frère, excellent marin et son second, sauva le navire.

 

Surcouf consacra la dernière partie de sa vie à des spéculations commerciales, qui furent pour lui une nouvelle source de richesses. On croit qu’il laissa en mourant plus de 3 millions de fortune. Surcouf est le seul capitaine européen qui ait osé naviguer avec des équipages entièrement composés de lascars, hommes aussi dangereux pour ceux qui les emploient que pour ceux contre qui on les emploie. Son sang-froid, son énergie imposèrent aux Malais et les dévouèrent à sa personne. Surcouf est mort en 1827 dans une maison de campagne qu’il possédait près de Saint-Servan, et fut inhumé à Saint-Malo.

 

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