naquit à Coutances (Manche) le 29 septembre 1766, d’un conseiller du roi aux bailliage et présidial de Cotentin.
Grand officier de la Légion-d’Honneur, contre-amiral, le baron L’Hermitte fut une de nos gloires maritimes.
A l’âge de quatorze ans, il débuta dans la carrière maritime, comme volontaire à bord du Pilote-des-Indes, cutter garde-côte en Croisière dans la Manche. En 17S4, L’Hermitte, ne trouvant plus à s’embarquer au service de l’État, qui désarmait ses vaisseaux, passa dans la marine marchande, et fit, en qualité de lieutenant et de second, plusieurs campagnes de pêche à Terre-Neuve sur des navires de Granville.
Il faisait depuis trois ans cette rude navigation, lorsqu’en 1787 il entra dans la marine militaire, avec le grade de sous-lieutenant de vaisseau. Mais, depuis cette époque jusqu’à la Révolution, on ne voit rien de remarquable dans les différents voyages de L’Hermitte à travers l’Atlantique.
Lieutenant de vaisseau au mois d’août 1793, il s’embarqua à Cherbourg comme second sur la frégate la Résolue, fit sur les côtes de l’Angleterre une croisière de six mois qui coûta au commerce britannique une soixantaipe de navires qui furent conduits dans les ports de France.
En 1795, il montait la frégate la Seine, et eut sous ses ordres une division qui alla croiser sur les côtes d’Irlande, et de là se rendit avec trois frégates à Christiansand, visita différents ports de Norvége, et revint en France en 1796, escortant un convoi de 12 grands navires, chargés de blés, qu’il fit entrer à Lorient. En 1798, il appareilla avec la mission de reconduire à Mangalore les ambassadeurs que Tipoo-Saëb, sultan de Mysore, avait envoyés au gouverneur de l’Ile-de-France pour demander des secours contre les Anglais. En passant devant Telli-cherry, il vit au mouillage deux vaisseaux de la compagnie des Indes : c’était une bonne fortune, il voulut en profiter ; mais au moment où il manœuvrait pour aller les attaquer, un de ces terribles orages si fréquents dans ces mers éclala inopinément. La foudre tomba sur la Preneuse, son grand mât de perroquet ; le feu prit à bord, le commandant lui-même reçut plusieurs éclats de mâture. L’orage passé, on répara la frégate. Elle fondit ensuite sur les deux vaisseaux qui semblaient la défier à l’ancre ; ils amenèrent au bout d’une heure de combat. Arrivé à Sourabaya, L’Hermitte fit porter sur le Brûle-Gueule les pavillons anglais pris à Tellicherry. Cela donna lieu à une révolte à bord de la Preneuse ; l’équipage voulait garder ses trophées et s’opposa à leur débarquement, en disant que, conquis par la frégate, ils étaient sa propriété et non celle de l’amiral. L’Hermitte n’était pas homme à souffrir une pareille insubordination ; il tombe à coups de sabre sur les mutins, disperse les meneurs et les fait mettre aux fers. Cinq matelots, déclarés chefs de la révolte, furent condamnés à mort par un conseil de guerre et fusillés sur le pont. Quittant les côtes de Java, L’Hermitte alla faire une croisière de trois mois dans les mers de la Chine. Après cette campagne qui eut pour résultat la destruction de plus de quarante bâtiments anglais, la Preneuse et le Brûle-Gueule revinrent à l’Ile-de-France, où une division ennemie les bloqua durant trois semaines dans le fond d’une baie avant qu’elles pussent entrer au port.
Une résistance aussi courageuse qu’habile put seule les tirer de cette position critique et rendre vaines les tentatives des Anglais. L’infatigable L’Hermitte reprit la mer aussitôt que sa frégate eut reçu les réparations dont elle avait besoin. Il alla croiser dans les parages du cap de Bonne-Espérance, sur les côtes du Madagascar et dans le canal de Mozambique. Le 4 septembre 1799, à la chute du jour, il aperçut dans la baie de Lagoa cinq bâtiments que la brume lui fit prendre pour des navires de commerce. Sa frégate jata l’ancre à demi-portée de canon de leur mouillage. Il se proposait de les attaquer le lendemain matin, mais il ne tarda pas à être lui-même assailli par eux.
L’engagement durait depuis près de six heures ; plus de mille boulets avaient été échangés ; déjà la Preneuse avait une quarantaine d’hommes hors de combat, lorsqu’elle prit le parti d’abandonner cette lutte inégale où elle eût infailliblement succombé ; car elle avait affaire à deux vaisseaux, deux bricks et un cutter de guerre portant ensemble une artillerie plus que triple de la sienne. Dans le courant du mois suivant, la Preneuse, qui s’était rapprochée du cap de Bonne-Espérance, fit rencontre, sur le banc des Aiguilles, d’un vaisseau anglais de 74, devant lequel elle prit chasse. L’ennemi la poursuivit pendant vingt-deux heures ; mais sa marche étant supérieure à celle de la voile française, ses boulets finirent enfin par l’atteindre. Réduit à se laisser amariner ou à livrer combat, L’Hermitte n’hésita pas sur le choix que lui donnait cette alternative ; il vira de bord et attaqua le vaisseau. La canonnade fut vive de part et d’autre.
Les deux bâtiments évoluèrent pour se prendre par leur faible ; le nôtre, plus habile, plus prompt dans ses manœuvres, parvint à envoyer en poupe à son adversaire plusieurs volées d’enfilade qui mirent le désordre à son bord. L’Hermitte saisit ce moment de confusion pour tenter l’abordage ; mais l’ennemi, prévenant cette résolution de terrasser le nombre par le courage, se sauva sous toutes voiles. La frégate donna à son tour la chasse au vaisseau ; elle le mena à coups de canon presque dans la rade du cap de Bonne-Espérance.
Affaiblie par les deux combats qu’elle venait de soutenir, avariée par le temps, transpercée de boulets, faisant beaucoup d’eau, la Preneuse reprit la route de l’Ile-de-France. Le scorbut sévissait à son bord ; elle était à tout égard hors d’état de tenir la mer plus longtemps. En vue des pics de l’Ile-de-France, un vaisseau anglais apparut sous le vent de la voile française. La frégate changea son sillage pour éviter l’ennemi qui n’osa la poursuivre ; mais aux attérages, quand elle se croyait hors de tout danger, un autre vaisseau se trouva encore sur sa route, et celui-ci paraissait décidé à lui disputer le passage. Elle veut gagner un mouillage protégé par le canon de la côte. Parvenue à la baie du Tombeau, célèbre par le naufrage de la Virginie de Bernardin de Saint-Pierre, une suite de vents brusques et violents, saisissant la Preneuse, la jette sur un récif de corail au moment où elle allait échapper à la poursuite de l’ennemi. Les deux vaisseaux arrivent alors sur elle et l’écrasent de leurs bordées. L’Hermitte, voyant sa perte inévitable, fait débarquer ses nombreux blessés, ses malades plus nombreux encore, puis son équipage. Resté à bord avec son état-major et quelques hommes de sa maistrance qui ne voulurent point le quitter, il fit saborder sa frégate, et c’est seulement lorsqu’il la vit hors d’état de pouvoir être relevée qu’il amena son pavillon. Il fut conduit avec ses officiers sur le vaisseau l’Adaman, commandé par le commodore Hotham, où on le reçut avec tous les égards dus au courage malheureux. Le lendemain de ce funeste jour, le brave état-major de la Preneuse fut mis en liberté sur parole, à la demande du gouverneur de l’Ile-de-France. L’arrivée de L’Hermitte dans cette colonie fut un véritable triomphe ; il se vit accueilli à son débarquement par une foule enthousiaste qui voulait le porter sur un brancard de lauriers jusqu’à l’hôtel du gouverneur, pendant qu’un salut de quinze coups de canon se joignait aux acclamations publiques pour rendre hommage à sa valeur.
L’Hermitte ne tarda pas à être échangé ; il rentra en France dans le courant d’octobre 1801. Le premier Consul, qui connaissait ses hauts faits, le manda aux Tuileries pour lui donner de vive voix le témoignage de son estime, et lui remettre de sa main le brevet de capitaine de vaisseau de première classe.
En 1802 L’Hermitte alla prendre à Lorient le commandement du vaisseau le Brutus, qu’il conduisit à Brest. Il passa ensuite au commandement du vaisseau l’Alexandre, puis à celui du trois ponts le Vengeur, sur lequel l’amiral Truguet avait son pavillon.
En 1805, il commandait une division chargée d’une croisière sur les côtes d’Irlande, des Açores, de la côte d’Afrique, et enfin sous la ligne, se rendit de là aux Antilles, où il se signala par un grand nombre de captures. Il rentra à Brest le 2 octobre 1806, après avoir échappé à la chasse de quatre vaisseaux anglais.
Pendant cette croisière, L’Hermitte prit 50 bâtiments de guerre ou de commerce, ayant à bord 1.570 hommes et 229 canons. Il fit éprouver à l’Angleterre une perte de 10 millions.
C’était une campagne trop brillante pour qu’elle ne fixât pas l’attention de l’Empereur ; aussi le brave L’Hermitte reçut-il la juste récompense de ses glorieux services : Napoléon l’éleva au grade de contre-amiral et le créa baron de l’Empire en 1807.
Un décret impérial, daté d’Ebersdorf, le nomma rapporteur près le conseil de guerre que ce décret convoquait à Rochefort, afin de juger quatre capitaines de vaisseau dont les bâtiments avaient été victimes, dans la nuit du 12 avril 1809, de l’entreprise tentée par les amiraux anglais Cochrane et Gambier, pour détruire sur la rade de l’île d’Aix l’escadre de l’amiral Allemand.
L’Empereur appela, en 1811, le contre-amiral L’Hermitte à la préfecture maritime de Toulon, poste important qu’il occupa jusqu’à la paix avec une haute distinction.
En 1814 Louis XVIII l’envoya, avec le vaisseau la Ville-de-Marseille, prendre à Palerme le duc d’Orléans et sa famille pour les ramener en France. Le baron L’Hermitte, officier de la Légion-d’Honneur depuis la création de l’Ordre, reçut en cette circonstance la croix de commandeur.
L’Hermitte reprit à son retour ses fonctions de préfet maritime ; mais sa mauvaise santé, qu’il devait, à un empoisonnement dont il avait été victime dans l’Inde, ne lui permit pas de les exercer longtemps.
Mis à la retraite en décembre 1816, il est mort au Plessis-Picquet près de Paris le 28 août 1826.