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28 janvier 2013 1 28 /01 /janvier /2013 00:00

Naissance de Marc Nicolas Louis Pécheux

lieutenant-général, né le 28 janvier 1769 à Bucilly (Aisne), entra, le 17 août 1792. comme capitaine de grenadiers dans le 4ème bataillon de volontaires du département de l’Aisne, amalgamé dans la 41e demi-brigade de ligne, laquelle fut incorporée dans la 17e à l’époque de l’embrigadement. En 1792, il servait à l’armée du Nord sous les ordres de Dumouriez, et il y mérita le grade de chef de bataillon le 8 septembre. Employé, de 1793 à l’an VI, aux armées des Ardennes, de Sambre-et-Meuse et de l’intérieur, il passa à celle d’Italie, à laquelle il resta attaché de l’an VII à l’an IX. Joubert, Moreau, Championnat, Brune, eurent plusieurs fois l’occasion de recommander au gouvernement la brillante conduite de cet officier supérieur, conduite qui lui mérita, le 21 fructidor an VII, le brevet de chef de brigade. Après les campagnes des ans X, XI et XII dans la Ligurie, aux armées gallo-batave et de Hanovre, il fut envoyé au camp de Boulogne. C’est là qu’il reçut, le 19 frimaire an XII, la décoration de la Légion-d’Honneur et celle d’officier du même Ordre le 25 prairial suivant. 

 

Peu de temps après, l’Empereur le nomma membre du collège électoral du département de l’Aisne. Il avait pris, le 41 fructidor an XI, le commandement de la 95° demi-brigade, à la tête de laquelle il se signala à Austerlitz. Pendant cette bataille, il causa une grande perte à la cavalerie de la garde russe, qui ne put entamer ses carrés. Le colonel Pécheux déploya la même valeur et les mêmes talents en Prusse et en Pologne, en 1806 et 1807, à Schleitz, à Iéna, à Halle, où il culbuta la réserve du prince de Wurtemberg, à la prise de Lubeck, au combat de Spandau et à la bataille de Friedland, où son régiment faisait partie de la réserve. Envoyé en Espagne en 1808, il se distingua, dès le début de la campagne, par la prise du plateau de Spinoza. Ce brillant fait d’armes, qui appartient entièrement au 95e régiment, lui mérita, le 24 novembre, la croix de commandeur de la Légion-d’Honneur et le titre de baron de l’Empire. On le retrouve encore à Tudela, à la prise de Madrid, à Velei, en janvier 1809, à Almaras le 18 mars suivant, et à Medelin le 28 du même mois ; il concourut puissamment, dans cette dernière affaire, à la défaite des Espagnols, et se fit remarquer aux brillantes journées de Talavera, Cuenea et d’Ocafia ; enfin, les services qu’il rendit au siège de Cadix lui firent obtenir, le 23 juin 1810, les épaulettes de général de brigade. Peu de temps après il fut investi du commandement de la ville de Xérès, qu’il ne quitta qu’à la fin de 1811, pour se rendre au siège de Tarifa. Immédiatement après la reddition de cette place, le général en chef mit sous ses ordres les troupes de l’aile gauche, avec mission de reprendre le siège de Cadix. Pendant la retraite de l’armée du duc de Dalmatie de l’Andalousie, et la poursuite de lord Wellington, le maréchal lui confia la direction de l’avant-garde, avec laquelle il mit en déroute, devant Samrenos, l’arrière-garde ennemie. Nommé général de division le 30 mai 1813, il fut mis, le 9 août suivant, à la disposition du maréchal prince d’Eckmuhl, commandant le 13e corps à Hambourg. Le général Pécheux quitta cette ville pour se porter sur Magdebourg avec sa division, forte de 8.000 hommes, dans le dessein de chasser les Prussiens des positions qu’ils occupaient aux environs de la place. Le général comte Walmoden, instruit de son projet par des lettres interceptées, déroba aux Français le nombre de ses troupes, et les attaqua presque à l’improviste avec des forces supérieures. Obligé de battre en retraite, Pécheux opéra ce mouvement rétrograde avec le plus grand ordre, et en disputant pied à pied le terrain à l’ennemi ; il perdit dans.cette retraite tous ses équipages, et deux de ses aides-de-camp furent faits prisonniers. Enfermé dans Magdebourg, à la fin de 1813, il s’y maintint pendant toute la durée de la campagne suivante, et rendit cette place lorsqu’il eut connaissance des événements politiques qui se passaient en France.

Chevalier de Saint-Louis le 20 août 1814, il reçut, le 31 mars 1815, le.commandement d’une division du 4e corps à l’armée du Nord, et après le licenciement de l’armée impériale, il fut mis en non-activité. En 1818 Je roi l’appela au commandement de la 12° division militaire. Inspecteur général d’infanterie en 1820, il fut désigné, le 20 avril de cette année, pour, être employé dans la 16w division territoriale, et le 4 novembre suivant le ministre de la guerre le chargea de la conversion des légions départementales en régiments. Il était en disponibilité depuis le 1 janvier 1821, lorsque le duc de Bellune, ministre de la guerre, lui confia, en 1823, le commandement de la 12e division du 5e corps de l’armée d’Espagne, sous les ordres du général Lauriston.

Remis en disponibilité le 8 janvier 1824, il fut nommé grand officier de la Légion-d’Honneur le 23 mai 1825, et placé dans le cadre d’activité par ordonnance du 7 février 1831. Le général Pécheux est mort à Paris le 1er novembre suivant. Son nom est inscrit sur l’arc de triomphe de l’Étoile, côté Ouest.

 

 

 

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27 janvier 2013 7 27 /01 /janvier /2013 00:00

de François Gédéon Bailly de Monthion

né à l’Ile-Bourbon, le 27 janvier 1776, entra comme sous-lieutenant dans le 74e de ligne, le 24 février 1793 ; servit aux armées de la Moselle et du Nord ; quitta le service comme officier noble, y rentra bientôt en qualité d’aide-de-camp du général en chef de l’armée des Pyrénées-Orientales, et fit ensuite partie des armées de l’Ouest, de Sambre-et-Meuse, de Mayenne et d’Italie ; il y gagna tous ses grades, jusqu’ à celui de chef d’escadron au 9e chasseurs à cheval.

 

Après la bataille de Marengo, il fut attaché, avec ce grade, à l’état-major du maréchal Berthier, il reçut à Austerlitz le grade de colonel, la croix d’officier et celle du mérite de Bavière ; il remplit ensuite des missions diplomatiques près des cours de Bade, de Hesse et de Wurtemberg.

 

En 1806, et pendant les campagnes de Prusse et de Pologne, il remplit les fonctions d’aide-major-général.

Gouverneur de Tilsitt en 1807, général de brigade en 1808, à la campagne dé Portugal, il fut rappelé à la grande armée comme chef d’état-major ; puis nommé au commandement de l’aile gauche à la première affaire de Rohr par Napoléon. M. de Monthyon reçut, après les journées d’Eckmuhl, d’Essling et de Wagram, où il eut trois chevaux tués sous lui, le titre de comte, avec dotation de 10.000 fr. de rente, la Grand-Croix de Hesse, et celle de commandeur de l’ordre du mérite militaire de Wurtemberg. En 1810, il inspecta les divisions destinées pour l’armée d’Espagne ; en 1811, il commanda sous Bayonne une division d’infanterie s’élevant à 20.000 hommes ; en 1812, il était à Berlin, chef d’état-major de la grande armée. Après les batailles de Smolensk, de Borodino, de Malojaroslawitz et le passage de la Bérésina auxquels il assista, il fut nommé, le 4 décembre, général de division, et remplaça Berthier comme major-général, après le départ de Napoléon. Le comte de Monthyon se trouva, en 1813, à Lutzen, à Bautzen et à Wurtchen, remplaça de nouveau le major-général depuis le 24 août jusqu’à la fin d’octobre, et fut nommé grand officier de la Légion d’honneur en novembre. En 1814, il fit la campagne de France, reçut la croix de Saint-Louis à la première restauration, fit la campagne de 1813 en Belgique, comme, chef de l’état-major général, fut blessé à Mont-Saint-Jean, et, pendant la seconde Restauration, fut employé dans le corps royal d’état-major.

Louis-Philippe le fit pair de France, il est grand cordon de la Légion d’honneur. La république le mit à la retraite.

 

Son nom figure sur le côté ouest de l’arc de triomphe de l’Étoile.

 

 

 

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27 janvier 2013 7 27 /01 /janvier /2013 00:00

 Naissance de Charles Alexandre Léon Durand de Linois

Vice-amiral honoraire, grand officier de la Légion-d’Honneur, chevalier de Saint-Louis, né à Brest le 27 janvier 1761. C’est encore une existence durement exercée, mêlée de bons et de mauvais jours ; c’est du reste un nom qui se survivra glorieusement immortalisé par les souvenirs d’Algésiras. A l’âge de 15 ans, il entrait dans la marine, et trois ans plus tard, la guerre qui avait commencé en 1778 et qui devait être suivie de tant d’autres, faisait du jeune volontaire un lieutenant de frégate auxiliaire à bord du Scipion, vaisseau de soixante-quatorze. En 1781 (1er juillet), il devint enseigne de vaisseau et de port, sous-lieutenant de port en 1784, enfin lieutenant le Ier mai 1789. Il comptait alors treize années de service actif, durant lesquelles il avait parcouru les côtes de France et d’Espagne, les mers de l’Amérique et de l’Inde.

A l’organisation de la marine (1791), il prit rang parmi les lieutenants de vaisseau à la date de son brevet de lieutenant de port, et il passa avec ce grade sur la frégate l’Atalante. Après trente-huit mois passés dans les mers de l’Inde, sur les côtes de Malabar, de Caromandel et d’Afrique, il était rentré en France. L’amiral Villaret le chargea d’aller avec une petite division éclairer la marche du contre-amiral Vanstabel, qui ramenait de l’Amérique Septentrionale un convoi de farine, attendu en France avec une douloureuse anxiété. Le convoi fit bonne route ; mais Linois, qui le cherchait, donna dans des voiles anglaises auxquelles il se rendit après une résistance honorable et désespérée (28 florréal an II). Sa belle défense avait attiré sur lui l’estime de ses ennemis ; après sa rentrée en France, elle le signala à l’attention du gouvernement.

Le 15 floréal an III, il fut promu au grade de capitaine de vaisseau, et il prit le commandement du vaisseau le Formidable, sous les ordres de l’amiral Villaret. L’armée navale sortit de Brest dans le courant de prairial : un engagement eut lieu le 29, un autre le 9 messidor. Les Anglais étaient supérieurs en forces : trois de nos vaisseaux tombèrent entre leurs mains ; le Formidable était de ce nombre. Linois, deux fois blessé, perdit l’œil gauche dans ce combat. Cette fois encore, sa captivité ne fut pas de longue durée : il eut le bonheur d’être échangé deux mois après avec le capitaine de vaisseau anglais John Carruthers. L’année suivante (an IV), la marine fut réorganisée, et Linois, nommé chef de division, prit le commandement du Nestor. Lors de l’expédition d’Irlande, qui fut sans résultat, il commandait en cette qualité trois vaisseaux et quatre frégates. Arrivé dans la baie de Bantry, il voulut débarquer sa petite armée : les généraux s’y opposèrent, et Linois la ramena saine et sauve à Brest. Quatre prises qu’il fit entrer avec lui dans le port témoignèrent de l’impuissance des ennemis à s’opposer à son retour. Le 5 pluviôse an VII, le premier Consul rendait l’arrêté suivant : « Bonaparte nomme, sur la demande de l’amiral Bruix, au grade de contre-amiral, Durand Linois, chef de division. »

Pendant vingt mois, à partir de ce jour, il remplit les fonctions de chef d’état-major général de l’armée navale aux ordres de l’amiral Bruix, et successivement des contre-amiraux Delmotte et Latouche-Tréville.

En 1800, il commandait en second l’escadre expéditionnaire aux ordres de l’amiral Gantheaume. Après les affaires de Porto-Ferrajo et de l’île d’Elbe, il reconduisit à Toulon trois vaisseaux atteints d’épidémie, et le 13 juin 1801, il sortit de ce port avec les mêmes bâtiments et la frégate la Muiron pour aller à Cadix se joindre à l’escadre espagnole. Il avait à bord 1.600 hommes de troupes extraordinaires. Il prit sur sa route un brick de 24 canons et de 64 hommes d’équipage, commandé par lord Cochrane. C’était bien débuter ; mais bientôt il allait avoir affaire à plus forte partie. Arrivé à l’entrée du détroit de Gibraltar, il apprit par un bateau expédié de la côte qu’il se trouvait entre deux escadres anglaises, l’une venant de Cadix et l’autre du large. Il prit le parti de se jeter dans la baie de Gibraltar, et il mouilla le 4 juillet au soir dans la rade d’Algésiras. Deux jours après, les Anglais étaient en face de lui avec six vaisseaux et une frégate. Sa défaite semblait certaine, il la changea en triomphe. Ce beau fait d’armes est rapporté ainsi qu’il suit dans le Moniteur du temps (30 messidor an IX) :

"Le contre-amiral Linois, avec trois vaisseaux, le Formidable et l’Indomptable, de 80 canons, capitaines Laindet-Lalonde et Moscousu, le Desaix, de 74 canons, capitaine Christi-Pallière, et la frégate la Muiron, de 18, capitaine Martinenq, après avoir donné la chasse aux vaisseaux ennemis qui croisaient sur les côtes de Provence, s’est présenté devant Gibraltar au moment où une escadre anglaise de six vaisseaux y arrivait. Le 15 messidor, le contre-amiral Linois était mouillé dans la baie d’Algésiras, s’attendant à être attaqué, le lendemain matin. Dans la nuit, il a débarqué le général de brigade Deveaux, avec une partie des troupes, pour armer les batteries de la rade. Le 16, à huit heures du matin, la canonnade a commencé contre les six vaisseaux anglais, qui n’ont pas tardé à venir s’embosser à portée de fusil des vaisseaux français. Le combat s’est alors chaudement engagé. Les deux escadres paraissaient également animées de la résolution de vaincre. Si l’escadre française avait quelque avantage par sa position, l’escadre anglaise était d’une force double, et avait plusieurs vaisseaux de quatre-vingt-dix. Déjà le vaisseau anglais l’Annibal était parvenu à se placer entre l’escadre française et la terre. Il était onze heures et demie : c’était le moment décisif. Depuis deux heures le Formidable, que montait le contre-amiral Linois, tenait tête à trois vaisseaux anglais. Un des vaisseaux de l’escadre anglaise qui était embossé vis-à-vis d’un des vaisseaux français, y ramena son pavillon à onze heures trois quarts. Un instant après, l’Annibal, exposé au feu des batteries des trois vaisseaux français qui tiraient des deux bords, amena aussi le sien. A midi et demi, l’escadre anglaise coupa ses câbles et gagna le large. Le vaisseau l’Annibal a été amariné par le Formidable. Sur 600 hommes d’équipage, 300 ont été tués. Le premier vaisseau anglais qui avait amené son pavillon a été dégagé par une grande quantité de chaloupes canonnières et autres embarcations envoyées de Gibraltar. Le combat couvre de gloire l’armée française, et atteste ce qu’elle peut faire. Le contre-amiral Linois doit être à Cadix avec l’Annibal pour le réparer".

Le 9 thermidor, le chef du gouvernement donnait à l’amiral Linois un témoignage officiel de la satisfaction de la République par l’arrêté suivant :

BREVET D’HONNEUR.

« Bonaparte, premier Consul, considérant que le contre-amiral Linois a si habilement fait usage des moyens militaires et maritimes qui étaient à sa disposition et qu’il a déployé tant de courage que, malgré l’inégalité de ses forces, il ne s’est pas borné à une défense glorieuse, mais qu’il est parvenu à désemparer entièrement l’escadre anglaise, à contraindre deux vaisseaux de soixante-quatorze d’amener leur pavillon et à s’emparer du vaisseau l’Annibal ; voulant récompenser un fait de guerre aussi honorable pour les armes de la République que pour l’officier général à qui le commandement de la division était confié, décerne, à titre de récompense nationale, au contre-amiral Linois un sabre d’honneur. »

Cependant, l’amiral anglais se praparait à venir demander compte de sa défaite : Dès le 9 messidor, il sortait de nouveau de Gibraltar pour reprendre son poste d’observation. Parti le même jour de Cadix, don Juan de Moreno amenait à l’amiral français cinq vaisseaux, trois frégates et un brick.

L’engagement eut lieu le 23 : Deux vaisseaux espagnols, trompés par l’obscurité, se battirent avec acharnement, prirent feu et sautèrent ensemble. Le vaisseau français le Saint-Antoine, de 74 canons, amena son pavillon ; mais le Formidable, aux prises avec trois vaisseaux et une frégate anglaise, resta maître du champ de bataille. Ce beau combat sauva l’honneur du pavillon français.

A la fin de l’année 1801, Linois sortit de Cadix avec trois vaisseaux et trois frégates : ces bâtiments portaient 1.800 hommes pour Saint-Domingue. Après deux mois de séjour dans la colonie, il opéra son retour à Brest avec l’escadre de l’amiral Villaret. Après avoir signé, du pommeau de son épée, le mémorable traité d’Amiens, un des premiers soins de Napoléon fut d’envoyer dans l’Inde une expédition qui pût mettre à profit le temps de sa courte suspension d’armes que ce traité venait d’établir entre l’Angleterre et la République française. Une petite division composée d’un vaisseau, de trois frégates et de deux transports, appareilla à Brest le 14 ventôse an XI, sous les ordres du contre-amiral Linois, pour aller porter dans les comptoirs indiens le capitaine général Decaen, un bataillon d’infanterie et un grand nombre d’employés civils et militaires chargés de remplir les postes qui les attendaient dans les anciennes et pauvres colonies que l’Angleterre avait enfin consenti à nous restituer.

La frégate la Belle-Poule, détachée en mer de la division que commandait le vaisseau le Marengo, se présenta le 27 prairial devant Pondichéry, pour prendre possession de cette place, sous laquelle stationnaient encore cinq vaisseaux de ligne, trois frégates et deux corvettes commandées par l’amiral anglais Rainier ; mais au mépris des conventions stipulées depuis un an déjà, entre les gouvernements anglais et la république, cet amiral, après avoir pris connaissance des dépêches du commandant français, refusa à la Belle-Poule l’autorisation de communiquer avec la terre, et ce ne fut que vingt-cïnq jours après avoir retenu cette brigade prisonnière sous le canon de son escadre, que Rainier, voyant arriver à Pondichéry la division Linois, voulut bien permettre au général Decaen, de mettre une garnison dans la ville. Cette prise de possession si tardive ne devait pas être de longue durée, le lendemain même de son départ à Pondichéry, Decaen reçut l’ordre par le brick le Bélier, parti de Brest dix jours après lui, de laisser son bataillon expéditionnaire à terre, et de faire voile immédiatement pour l’Ile-de-France, où il devait attendre la rupture imminente de l’éphémère convention d’Amiens. L’exécution d’un ordre aussi inattendu devenait difficile pour le capitaine général et l’amiral français, en présence de l’escadre de Rainier, si supérieure en force à la division Linois. Mais après s’être entendus ensemble pour tromper la surveillance de l’amiral anglais, les deux généraux exécutèrent avec habileté le plan qui devait assurer la fuite mystérieuse dans laquelle ils pouvaient espérer de trouver leur salut. Le soir même du jour de l’arrivée du Bélier, le vaisseau le Marengo et les trois frégates qui l’avaient accompagné, appareillèrent silencieusement de la rade de Pondichéry, sans que l’escadre ennemie eût soupçonné cette manœuvre discrète et hardie. Ce ne fut qu’en apercevant le matin le vide que la sortie nocturne des navires français avait laissé auprès de lui, que l’amiral Rainier se douta de la rupture du traité de paix, et que, de dépit d’avoir été joué de la sorte, il se décida à faire le blocus de Pondichéry défendu seulement par le bataillon d’infanterie arrivé depuis dix jours. Le 28 thermidor, le Marengo et les trois frégates, échappés si heureusement à la défiance de l’escadre de Pondichéry, mouillèrent à l’Ile-de-France.

Ce retour étonna le capitaine général Deçaen : il adressa à ce sujet au ministre de la marine un long rapport qui se trouve dans l’ouvrage intitulé : Correspondance de Napoléon avec le Ministre de la marine, t. Pr, p. 310. Ce rapport mis sous les yeux de Napoléon, donna lieu, entre l’Empereur et son ministre, à une correspondance où se trouvent les passages suivants :

Au Château, près Gueldres, 27 fructidor an XII.

« Monsieur Decrès, ministre de la marine, j’ai lu avec attention le rapport et les différentes lettres du capitaine général Decaen ; la conduite du général Linois est misérable. Toutes les expéditions sur mer qui ont été entreprises depuis que je suis à la tête du gouvernement, ont manqué, parce que les amiraux voient double et ont trouvé, je ne sais où, qu’on peut faire la guerre sans courir aucune chance, etc.

« Sur ce, etc. NAPOLEON. » Cologne, 28 fructidor an XII.

A Monsieur Decrès, ministre de la marine, je vous ai déjà exprimé tout ce que je ressentais de la conduite du général Linois. Il a rendu le pavillon français la risée de l’Europe. Le moindre reproche qu’on peut lui faire, c’est d’avoir mis beaucoup trop de prudence dans la conservation de sa croisière. Des vaisseaux de guerre ne sont pas des vaisseaux marchands. C’est l’honneur que je veux qu’on conserve, et non quelques morceaux de bois et quelques hommes. Le mépris, en Angleterre, est au dernier point de la part des officiers de marine. Je voudrais pour beaucoup que ce malheureux événement ne fût pas arrivé ; je préférerais avoir perdu trois vaisseaux, etc.

« Sur ce, etc. NAPOLEON. »

Malgré tout ce mécontentement, si vivement exprimé, l’Empereur nomma Linois commandant de la Légion-d’Honneur le 25 prairial an XIII ; c’est que, probablement, de nouveaux renseignements lui étaient arrivés et qu’il avait reconnu que le rapport du général Decaen n’était pas exempt de partialité.

Quoi qu’il en soit, à l’arrivée de Linois, le traité de paix venait d’être authentiquement déchiré, et c’est la guerre que le capitaine général de nos deux seules possessions de l’Inde doit se disposer à faire avec un vaisseau de ligne, contre les maîtres orgueilleux de tout l’Orient maritime. Decaeri commandera les forces de terre, Linois les forces de mer, c’est-à-dire le Marengo et les trois frégates. Le 16 vendémaire an XII, l’amiral appareilla, avec sa division, pour aller jeter à Batavia quelques troupes bataves. Dans sa route il rencontra et brûla quatre ou cinq gros navires de la compagnie des Indes. L’important comptoir de Bencoolen dans l’île de Sumatra est sur son chemin: il le détruit en passant. Après avoir effectué le débarquement de ses troupes passagères sur les côtes de Java, il court, sans laisser de traces de sa route, établir sa mystérieuse croisière à l’ouverture même des mers de la Chine. Un convoi de riches galions sort avec sécurité de Macao, et tombe sous la volée de l’escadrille brestoise, qui combat les navires de guerre de l’escorte, et s’empare, à la suite de la plus vive et de la plus brillante action, d’une partie des riches navires qu’elle a dispersés à coups de canon.

Vingt millions de francs, produit des prises capturées dans cette courte et éclatante campagne, signalèrent le commencement des hostilités entre l’Inde française réduite aux îles de France et de la Réunion, et l’Inde anglaise qui embrassait déjà tout le continent indien.

Trois autres courses aussi belles, aussi habilement dirigées, rendirent le vaisseau le Marengo l’effroi du commerce anglais dans les mers qu’il parcourait. Le 17 thermidor, une flotte de bâtiments de guerre chargée de troupes et escortée par le vaisseau anglais le Bleinhein, de 80 canons se range en bataille pour recevoir l’attaque du vaisseau français, qui seul s’avance pour le combattre à demi-portée de pistolet, et qui, après l’avoir canonné pendant plusieurs heures, ne consent à l’abandonner que lorsque le mauvais temps le force à aller se mettre en cape au large de cette flotte, étonnée de tant d’audace et de bonheur. Mais, pendant ces croisières glorieuses, les îles françaises que le Marengo avait momentanément quittées, se trouvaient enfin bloquées et serrées par des forces trop nombreuses et trop supérieures pour que Linois pût se hasarder à les aborder avec son seul vaisseau. Réduit à la nécessité de réparer son navire fatigué par un long séjour dans les mers lointaines et criblé du feu de l’ennemi, l’amiral se décida à faire route pour l’Europe. La frégate la Belle-Poule, qu'il avait rallié depuis peu, devait le suivre dans cette dernière traversée vers les côtes.

Le 22 ventôse an XIV, les deux fidèles compagnons de route, se trouvant déjà à la hauteur des îles du cap Vert aperçoivent à deux heures du matin une voile courant à contre-bord d’eux. Bientôt cette voile, dont l’obscurité de la nuit permettait à peine d’observer tous les mouvements, fut suivie de deux autres voiles. Le premier de ces trois navires portait des feux à sa corne d’artimon : c’était un signal de ralliement. Quelques fusées romaines, lancées dans les airs par un des bâtiments en vue, ne laissèrent plus de doute au Marengo sur l’espèce de rencontre qu’il venait de faire. « Ce sont des navires de guerre, dit Linois à son brave capitaine Vrignaud, qui commandait sous les ordres de l’amiral ; ils escortent sans doute un fort convoi, faites faire un branle-bas de combat à notre bord, et gouvernez de manière à passer près d’eux, pour que nous puissions les reconnaître. » Cet ordre est bientôt exécuté. A trois heures l’amiral s’aperçut qu’au lieu de redouter la chasse qu’il voulait leur appuyer, les navires rencontrés avaient manœuvré de manière à attaquer le Marengo et la Belle-Poule, dont la marche était inférieure à celle du vaisseau. A cinq heures du matin, alors que le jour commençait à poindre et à jeter quelque clarté à portée de fusil dans les eaux du Marengo, un vaisseau à trois ponts, couvert de toile, et battant pavillon anglais à sa corne d’artimon. Les couleurs nationales furent aussitôt hissées à bord du vaisseau français, et, pour assurer le signal, Linois fit envoyer au même moment toute sa volée dé tribord dans l’avant du vaisseau chasseur. Le feu, ainsi commencé, ne fut interrompu que lorsque le London approchant le Marengo, à la largeur d’écouvillon, sembla vouloir présenter l’abordage. Trompé par ce simulacre d’attaque, Linois ordonne au capitaine Vrignaud de faire monter tout le monde sur le pont et de jeter des grapins à bord de l’ennemi : les grapins, hissés au bout des vergues qui se sont déjà croisées avec les vergues plus élevées d’un trois points, tombèrent à bord du London, tant l’équipage français, perché sur’les bastingages, ou suspendu dans le gréement est prêt, palpitant d’ardeur, à commencer le carnage. Mais à l’instant où les deux vaisseaux vont s’accoster et s’étendre pour ne plus se séparer que vainqueurs ou vaincus, le London laisse brusquement arriver, emportant avec lui, au large du Marengo, les grapins rompus qui lui déchirent les plats bords, et qui devaient attacher un instant sur ses flancs l’audacieux vaisseau français.

Il fallut, après cet abordage manqué, reprendre la canonnade meurtrière que le Marengo, trompé par la ruse du London, avait suspendue avec trop de joie et de confiance. Les ponts et les gaillards balayés par des volées de mitraille, sont jonchés de blessés et de morts. L’officier de manœuvre est déjà mis hors de combat. Les écoutes et les amures sont hachées ; les haubans et les étais coupés sur la mâture chancelante ; les voiles criblées sur leurs vergues à moitié rompues, et cependant, à la lueur des pièces qui tonnent à bord des deux vaisseaux, Linois, sans être ébranlé dans sa résolution, veut encore se projeter et défiler, dans l’épaisse fumée dont le Marengo est environné, les voiles menaçantes des navires anglais qui viennent de secourir le London. La Belle-Poule, engagée déjà avec la frégate l’Amazone, combat à la fois le London et le nouvel assaillant qui lui prête le travers. La résistance était belle, mais désespérée : c’étaient deux navires luttant bord à bord avec toute une escadre, sans qu’une voix se fût élevée à bord de ces navires pour parler de se rendre. Un seul incident est remarqué sur le gaillard d’arrière du Marengo : l’amiral vient d’être transporté au poste des chirurgiens, et à la place qu’il occupait est monté le capitaine Vrignaud ; le capitaine de frégate Chasseriau remplace son commandant, qui, lui-même, quelques minutes auparavant, a remplacé sur son banc de quart l’amiral Linois, grièvement blessé. « Tous nos officiers passeront sur ce banc de quart, » se disent tout bas les hommes de l’équipage ; et tout l’équipage continue à combattre en silence et toujours avec fureur. A chaque minute, l’amiral Linois et le commandant Vrignaud, l’un avec le mollet droit enlevé, et l’autre avec un bras de moins, donnaient au lieutenant Armand des ordres que celui-ci s’empressait de transmettre au capitaine de frégate devenu si vite le commandant du Marengo. A neuf heures et demie enfin et après six heures de combat, le Marengo et la Belle-Poule, entourés par sept vaisseaux de ligne et plusieurs frégates, sentirent l’inutilité de la résistance, et commencèrent à concevoir l’impuissance des moyens qui leur restaient pour résister. Huit pièces seulement, à bord du vaisseau français, se trouvaient encore en état de faire feu ; les batteries, commandées par les lieutenants Ravin et Kerdrain, épuisées par le nombre d’hommes qu’elles avaient été obligées de fournir pour remplacer les morts dont les dunettes et les gaillards étaient couverts, ne tiraient plus qu’à de longs intervalles quelques coups de canon de retraite. Tous les officiers étaient blessés, il n’y avait plus que des victimes à offrir à la supériorité invincible des forces de l’ennemi. L’état-major et les maîtres furent consultés ; et, à neuf heures quarante minutes, le pavillon en lambeaux fut amené lentement sur les tronçons des mâts du vaisseau le Marengo haché, percé à jour et à moitié coulant bas d’eau sous la volée de toute l’escadre ennemie rassemblée autour de ses débris fumants.

Le mot de l’amiral John Varrens, sur ce combat, mérite d’être rapporté : « Voilà dit-il en apprenant à quel bâtiment il venait d’avoir affaire, un vaisseau qui s’est montré digne du nom qu’il porte. » Les vainqueurs comptèrent sur le vaisseau amiral 60 hommes tués, 82 blessés, et parmi ces derniers, Linois et son capitaine de pavillon. Au milieu de tant d’expéditions durant lesquelles, depuis son départ de Brest, il avait coupé douze fois la ligne, les nouvelles de France lui étaient cependant parvenues. En effet, le commandant des forces navales françaises dans l’Inde adressait à l’Empereur des Français la lettre suivante, datée de l’Ile-de-France, le 23 frimaire an XIII.

« Sire, le vaisseau de l’État, environné d’écueils, allait périr, votre main savante saisit le gouvernail et le conduit au port. Puisse le pilote habile qui sauva mon pays, occuper longtemps le rang élevé où viennent de l’appeler la reconnaissance des Français et l’admiration du monde entier ! Puisse-t-il jouir longtemps de la gloire et du bonheur que son courage, ses talents et ses vertus ont donnés à la France ! Puisse la voix d’un sujet fidèle, parvenir jusqu’à lui du fond de ces contrées lointaines, pour lui transmettre les vœux des militaires et des marins employés dans la division des forces navales à mes ordres, et lui porter l’expression particulière de ma reconnaissance, de mon respect et de mon amour. LINOIS. »

Lorsqu’il revit la France en avril 1814, le hasard des batailles avait reporté Louis XVIII sur le trône et relégué à l’île d’Elbe le grand Empereur. Le 13 juin, Linois était nommé gouverneur de la Guadeloupe, et chevalier de Saint-Louis le 5 juillet suivant. Dès le 29 avril, la nouvelle du retour de Napoléon à Paris était parvenue dans les îles du Vent. Cependant les lettres de l’amiral, des 2 et 22 mai, et même du 2 juin, au comte de la Châtre, alors ambassadeur à Londres, contenaient des protestations de fidélité et de dévouement au roi.

Les 17 et 18, la garnison se souleva et le gouverneur fut arrêté. Le lendemain 19, il fit une proclamation et ressaisit les rênes de l’administration, mais au nom de l’Empereur. Les nouvelles de Waterloo ne tardèrent pas à arriver, et avec elles les attaques des forces anglaises Le 10 août, la capitulation fut signée, et le lendemain, les troupes françaises furent embarquées pour être conduites en France et remises à la disposition du duc de Wellington. Le 4 octobre, Linois écrit de la rade de Plymouth au vicomte Dubouchage, ministre de la marine ; il lui donne tous les détails de ce qui s’est passé à la Guadeloupe, il explique qu’il n’a jamais cessé, malgré les apparences, d’être sujet fidèle et soumis du roi, et il termine en demandant que sa conduite soit soumise à l’examen d’un conseil de guerre. Il fut en effet renvoyé devant le conseil permanent de la lre division militaire, par ordonnance du 26 décembre 1815, et le 11 mars suivant, déclaré non coupable à l’unanimité.

Une décision royale le mit à la retraite le 18 avril 1816 ; et le 13 mai suivant la cour royale enregistra, en audience solennelle, les lettres patentes qui lui ont conféré le titre de comte. En 1825, à l’occasion du sacre de Charles X, il fut nommé vice-amiral honoraire. Louis-Philippe le fit grand officier de la Légion-d’Honneur le 1er mars 1831, et plus tard, il ordonna que son nom serait gravé sur la partie Ouest de l’arc de triomphe de l’Étoile.

 

 

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27 janvier 2013 7 27 /01 /janvier /2013 00:00

 Paul-Alexis Dubois

Paul-Alexis Dubois, né le 27 janvier 1754 à Guise, tué le 4 septembre 1796 à Rovereto, est un général français.

 

Il s'engage à 16 ans comme soldat au régiment de Lyonnais le 16 août 1770, il est nommé brigadier le 5 avril 1780, puis maréchal des logis le 10 septembre 1785. Adjudant le 29 décembre 1786, il entre comme porte-guidon au 11e chasseurs à cheval le 15 mai 1788.

 

Sous-lieutenant le 1er mars 1791, lieutenant le 17 juin 1792, capitaine le 5 août suivant, il fait les campagnes de 1792 à l'armée de Moselle. Passé en 1793 à l'armée des Ardennes comme sous-chef de l'état-major, la promotion étant rapide dans les armées de la République, il gagne les grades de lieutenant-colonel au 17e dragons le 26 janvier 1793 et de général de brigade à titre provisoire le 24 août 1793 et commande la division de Lauterbourg.

 

Employé à l'armée du Rhin, il signe le 22 novembre 1793 l'ordre annonçant la fausse nouvelle de la mort du prince de Condé, tué d'un coup de canon tiré par les canonniers du 6e bataillon de la Drôme.

 

Repassé, sur sa demande, à l'armée de la Moselle, sous les ordres du général Hoche, il est griévement blessé d'une balle dans la jambe à la bataille de Woerth-Froeschwiller le 22 décembre 1793.

 

Nommé général de division le 30 mars 1794 par les représentants en mission Milhaud et Borie, il obtient d'être affecté à l'armée du Nord.

 

Arrivé à Guise le 18 avril, il reçoit le commandement des brigades de cavalerie des divisions Goguet et Balland, et dirige la cavalerie à la bataille de Fleurus, où il se distingue.

 

À Paris lors de l'Insurrection du 1er prairial an III, il commande la cavalerie des troupes de la Convention contre les insurgés du faubourg Saint-Antoine. Cette action lui attire les reproches de son neveu Brutus Magnier, alors emprisonné.

 

Muté à l'armée d'Italie, il prend part à la campagne du général Bonaparte. Blessé au combat de Rovereto le 4 septembre 1796, il adresse ces mots à son général en chef : « Je meurs pour la République, faites que j'aie le temps de savoir si la victoire est complète », avant de mourir.

 

Son nom figure sur la 25e colonne de l'Arc de triomphe de l'Étoile.

 

Il a donné son nom au Fort Dubois d'Hirson.

 

 

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27 janvier 2013 7 27 /01 /janvier /2013 00:00
Jean-Baptiste Barthélemy de Lesseps



BULLE
 
 
 

Jean-Baptiste Barthélemy de Lesseps, oncle de l’illustre Ferdinand de Lesseps qui vécut au XIXe siècle et à qui l’on doit la construction du canal de Suez, était né dans la ville commerçante de Sète, département de l’Hérault, le 27 janvier 1767. Son père, commissaire de marine, remplissait aussi les fonctions d’agent consulaire ; il avait coutume d’emmener son fils dans les diverses stations où les devoirs de sa charge l’appelaient. Il quittait fréquemment son pays, et il était résulté de cette vie nomade pour l’enfant une facilité merveilleuse à s’énoncer dans divers idiomes de l’Europe. A dix-sept ans, il parlait le russe comme sa langue maternelle : ce fut ce qui détermina La Pérouse à se l’adjoindre comme interprète dans sa grande expédition maritime.

Dès les premiers jours de cette circumnavigation devenue si célèbre, le jeune Barthélemy avait su se faire aimer de tous les chefs et était parvenu surtout à se rendre utile. Après diverses découvertes maritimes qui complétaient les admirables investigations de Cook sur plusieurs points inconnus du globe, l’Astrolabe et la Boussole, les deux frégates expédiées de France vers le milieu de 1785, entrèrent dans le port de la baie d’Avatcha, le 7 septembre 1787.

Petropavlosk ou Avatcha, devant laquelle les deux navires avaient jeté l’ancre, n’avait certes pas acquis à cette époque l’importance commerciale à laquelle elle s’est élevée ensuite, mais c’était déjà une cité florissante, et la beauté de son port, ouvrant les plus précieuses communications avec toute la côte orientale de l’Asie, laissait déjà deviner ce que la Russie pouvait prétendre sur ces régions reculées. La grande Catherine avait donné des ordres pour que les deux frégates fussent bien accueillies ; la grâce affable du jeune interprète ne fut pas sans influence sur la bienveillance notable des autorités à l’égard des Français.

Barthélemy de Lesseps (1767-1834). Dessin d'Edouard Garnier, d'après un portrait appartenant à la famille.
Barthélemy de Lesseps (1767-1834).
Dessin d’Edouard Garnier,
d’après un portrait appartenant à la famille.
Malgré son jeune âge (il n’avait pas encore atteint sa vingt-troisième année), Barthélemy de Lesseps fut chargé par La Pérouse et de Langle de franchir les déserts glacés qui les séparaient de la France, et d’apprendre au monde de la science les découvertes dont le pays pouvait déjà se glorifier grâce à leurs communs efforts. Hommes de devoir avant tout, ils sacrifiaient au devoir celui qu’ils sentaient animé de leurs propres sentiments ; mais à la vue du jeune interprète, en contemplant cette souple constitution qui ne laissait pas encore deviner ce qu’elle devait avoir un jour de vigueur, ils se sentaient profondément émus, et, quand ils allaient eux-mêmes la mort, ce fut en sanglotant que le brave de Langle lui dit adieu ; La Pérouse ne put retenir quelques larmes : ses ordres étaient écrits ; il se sentait prêt à les révoquer : c’était heureusement un cœur intrépide qui les avait acceptés.

Il est, du reste, assez difficile de bien comprendre, sans en avoir l’ample détail géographique sous les yeux, de quel fardeau le jeune voyageur allait être chargé. Ces cartes, ces dessins, ces pesants manuscrits, tous ces documents accumulés qui fournirent ensuite la plus longue partie de cinq volumes de format in-4°, il fallut les garantir sans relâche des brumes éternelles, des pluies sans fin et des eaux fangeuses que l’on rencontre perpétuellement dans ces pays sauvages, où les chemins ne sont point tracés, où les neiges tombent sans relâche. Soigneusement enveloppées d’une toile cirée, les dépêches confidentielles restaient attachées au moyen d’une ceinture sur la poitrine du jeune voyageur dont elles gênaient les mouvements. Quant aux manuscrits, leur volume était tel qu’il fut nécessaire de les amonceler sur une kibick à part, suivant le traîneau conducteur sur lequel glissait, emporté par ses chiens kamtschadales, le jeune chef de la mission. Et tout cela devait être amené sans avaries dans les bureaux du ministère, à Versailles : Or, on était à quatre mille lieues de la France !

Dans ces régions boréales, personne ne l’ignore plus aujourd’hui, tous les transports d’objets quelque peu considérables se font à l’aide de ces traîneaux légers attelés de cinq chiens dont rien n’égale la vigueur et le courage, mais qu’il faut savoir diriger avec sang-froid et dextérité. Dès ses premiers essais comme conducteur de kibicks, notre jeune voyageur comprit que la réussite de son entreprise dépendait tout entière de son courage et de son adresse. Il tombait fréquemment et il était roulé dans la neige.

Les bons Kamtschadales firent d’abord tous leurs efforts pour détourner le Français des essais qu’il renouvelait souvent devant eux ; ils riaient de ses chutes réitérées, mais aussi ils applaudissaient à son courage ; bientôt ils proclamèrent son habileté. Les chiens eux-mêmes, dont l’instinct avait reconnu sa supériorité, s’animèrent au son de sa voix et reconnurent, au bruit méthodique de certains bâtons qu’on frappe en cadence, la manoeuvre qu’on exige des coureurs : le succès du voyage était assuré.

Avant qu’on s’éloignât de la baie d’Avatcha, un officier russe distingué, le commandant Kasloff-Ougrenin, gouverneur d’Okhotsk, avait reçu de La Pérouse lui-même les recommandations les plus vives pour que le jeune interprète de l’expédition trouvât dans sa sollicitude un protecteur éclairé. Jamais paroles sorties du coeur ne furent accueillies avec plus de sincérité, et tout d’abord Barthélemy de Lesseps trouva un ami dans celui qui commandait au nom de Catherine dans ces épouvantables solitudes ; mais le gouverneur de tout le Kamtschatka pouvait-il donner autre chose en voyage que l’exemple du courage et de la résignation ?

On en doute fort quand on lit la relation fidèle que nous avons sous les yeux. Ce n’était pas tout que d’affronter presque en souriant les ouragans de neige dont l’amiral Vrangell a décrit si poétiquement l’horreur formidable, la difficulté était aussi de vivre chez des peuplades qui font leurs délices de la chaountcha, bouillie de chair de saumon corrompue, dont il faut se nourrir souvent sous peine de mourir de faim. Comment encore s’arranger de l’aigre boisson qu’on obtient de l’ail sauvage fermenté, qui aide peut-être à la digestion de mets pareils, mais qui cause de terribles insomnies ?

Un jour, Barthélemy de Lesseps écrit parmi ses notes ce triste passage : « L’eau ne tarda pas à nous manquer : le seul petit ruisseau que nous rencontrâmes était glacé ; il fallut nous résoudre à nous désaltérer avec de la neige. Le défaut de bois fut un autre embarras : pas un arbre sur notre chemin ; nous faisions quelquefois une verste pour aller à la découverte d’un méchant arbrisseau qui n’avait pas un pied de hauteur. Tous ceux qui s’offraient à nos regards étaient aussitôt coupés et emportés, dans la crainte de n’en pas trouver plus loin ; mais ils étaient si petits et si rares qu’ils ne suffisaient point pour cuire nos aliments. Il n’était donc pas question de nous chauffer ; le froid était cependant des plus rigoureux... A chaque instant, nous étions contraints de nous arrêter pour dételer les chiens qui expiraient les uns sur les autres » ; et, ce qui est plus terrible encore, devons-nous ajouter, ils se dévoraient parfois entre eux, lorsque l’absence de toute nourriture les contraignait à cette horrible nécessité.

Qu’on se figure un moment les angoisses de l’intrépide jeune homme ; à force de courage, il écarte ses maux présents, il ne peut oublier les promesses faites à son chef vénéré. Au souvenir des misères qu’il lui reste à subir, il s’écrie : « Ma constance m’abandonnait quand je songeais à mes dépêches. La nuit, le jour, elles étaient sans cesse sous ma main... je n’y touchais qu’en frémissant. » Au milieu de mille obstacles, le voyage continuait cependant ; mais les maux de tout genre qu’il entraînait dans sa rapidité vinrent à s’accroître... Les jours de famine se multipliaient ; une grande et douloureuse résolution dut être prise. M. de Kasloff-Ougrenin n’avait pas cessé un seul instant d’être le compagnon plein de sollicitude, et l’on pourrait dire de tendresse paternelle, pour le jeune voyageur qui lui avait été confié.

Celui-ci en avait le sentiment, et il était tout entier à la reconnaissance que lui inspirait un dévouement pareil chez un tel homme. Toutefois, en un jour de détresse, le sentiment du devoir devint le plus fort. Barthélemy de Lesseps résolut de poursuivre seul, à travers ces régions désolées, la route que ses chefs lui avaient tracée. Lié par une sorte de serment, le digne Kasloff résiste ; la famine devînt-elle plus effroyable, on périra peut-être ensemble, on ne se quittera pas. Cette résolution héroïque venait d’être prise à peine, lorsqu’un exprès, dépêché à tout hasard vers le village maritime de Potkagornoi, apporta une grande provision de chair et de graisse de baleine : dès lors, la subsistance des deux attelages fut assurée. On put arriver à Poustaresk.

On était alors au mois de mars de l’année 1788. M. de Kasloff venait de recevoir un message officiel de Saint-Pétersbourg, qui le constituait gouverneur général de cette immense portion de la Sibérie. A Poustaresk devait avoir lieu une séparation pénible. Pour donner une idée de la pauvreté étrange à laquelle était condamné le chef suprême qui représentait l’autocrate de toutes les Russies dans ces déserts, il suffira de dire qu’il ne trouva pour résidence qu’une yourte enfumée, dépourvue des meubles les plus nécessaires. A défaut de table, ce fut à terre, devant une écritoire où l’encre était gelée, que furent écrites les lettres de recommandation qu’allait emporter Lesseps.

Le jeune voyageur dut aussi se séparer des bons Kamtschadales dont il s’était fait de véritables amis, et se confier aux rusés Koriaks ainsi qu’à l’allure capricieuse des rennes, dont on a toujours à redouter le caractère rétif et entêté. Son adresse et son courage suffirent à tout.

Un jour, les traîneaux avaient dû être allégés de leur fardeau précieux ; il fallait traverser pour la seconde fois la Pengina, rivière qui se jette dans l’Ouraïk. Barthélemy de Lesseps avait dû monter un misérable cheval et l’éperonner rudement afin qu’il fendît ces eaux fangeuses, roulant entre elles des fragments de glace qui s’entrechoquaient avec bruit. Reculer, c’était s’exposer à de déplorables retards. Il avance donc, mais bientôt il sent aux tremblements de sa chétive monture qu’un irrémédiable accident sera le prix de sa témérité.

La bête fléchit en effet ; sans être désarçonné, le cavalier plonge dans les eaux glacées. Ce moment fut terrible, nous dit le voyageur, non parce qu’il était en danger d’y laisser sa vie, mais parce qu’une portion de son trésor pouvait être à tout jamais perdue. Un effort désespéré fait revenir à la surface des eaux le cavalier éperdu. Les papiers de la Pérouse sont encore attachés autour de lui : c’est avec un mouvement convulsif qu’il y porte la main ! Soigneusement enveloppées dans un tissu fortement ciré, les dépêches sont mouillées à peine. Lesseps pousse un cri de joie, et le gué si redoutable est heureusement traversé.

Une autre fois la caravane longe depuis plusieurs jours les bords de l’Océan. Tout à coup une chaîne de rochers qui surplombent s’oppose à la marche des traîneaux. Les animaux haletants s’arrêtent ; c’est une vraie porte de fer qui leur barre le passage. Barthélemy de Lesseps ne veut pas rétrograder ; il est entré en conseil avec ses guides ; s’il ne surmonte pas ce passage, son voyage sera retardé de plusieurs mois ; il faut franchir à tous prix cette chaîne redoutable, glisser au-dessus des rochers, et suspendre en quelque sorte les traîneau au-dessus des abîmes, au risque de perdre quelques malheureux animaux qui iront tomber sur des pointés acérées et qu’on relèvera sanglants et peut-être sans vie. Tout cela est exécuté avec sang-froid, avec une promptitude, qui jettent les sauvages compagnons du voyageurs dans une véritable admiration.

Arrivé à la petite ville commerciale d’Ingiga, le 1er avril 1788, l’expédition entrait pour ainsi dire dans la vie civilisée. Après avoir séjourné à Okhotsk, port assez médiocre, mais petite ville dès cette époque assez commerçante, Barthélemy de Lesseps s’embarqua sur Léna et traversa successivement Tomsk, Tobolsk, Kasan, Nijni-Novogorod, Moscou. Le 21 septembre 1788, il était à Saint-Pétersbourg. Le 17 octobre de la même année, à trois heures après midi, il remettait à Versailles ses dépêches et son précieux dépôt entre les mains du comte de Ségur, qui, avec sa grâce habituelle, le complimentait sur son énergie, son courage et sa persévérance.

Le voyage de Lesseps, devenu fort rare, puisque Brunet ne le mentionne pas dans sa Bibliographie, ne parut qu’en 1790. L’auteur de ces quelques lignes a connu dans sa jeunesse cet homme intrépide que ses travaux longuement honorés avaient enfin conduit à la sommité hiérarchique de la carrière des consulats. C’était un grand vieillard de l’aspect le plus noble et sur la figure duquel on ne pouvait rien reconnaître des fatigues excessives jadis endurées.

L’habitude des hautes affaires auxquelles il avait été mêlé avais donné à toute sa physionomie un caractère d’aimable condescendance qui contrastait (dès que certains souvenirs revenaient à la pensée) avec les misères parfois extrêmes qu’il lui avait fallu subir. Il se montrait heureux d’ailleurs d’avoir conservé à la France un trésor scientifique que le monde ne peut oublier. Il est mort à Lisbonne, en 1834.

 

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27 janvier 2013 7 27 /01 /janvier /2013 00:00

 Naissance de Jean Jacques Bernardin Colaud de La Salcette

né à Grenoble (Isère), le 27 décembre 1758, entra au service comme cadet dans le régiment de l’Ile de France (22e, puis 39e d’infanterie) au mois de mai 1778. Fait sous-lieutenant sans appointements Ie 15 décembre de la même année, sous-lieutenant avec traitement le 11 juin 1776, lieutenant en second le 21 mai 1788, lieutenant en premier le 20 septembre 1788, capitaine le 11 juin 1791, il partit aux Antilles. Il devint aide-de-camp du général Lameth le 16 février 1792, ensuite de Menou, et servit à l’armée du Nord. Nommé adjudant-général chef de bataillon le 8 mars 1793, et envoyé à l’armée d’Italie, il se distingua dans différents combats, notamment les 8 et 12 juin, et se vit contraint, à cause de sa naissance, de donner sa démission le 15 septembre suivant. Réintégré le 25 prairial an III, il fut promu adjudant-général, chef de brigade le même jour. Cet officier supérieur se fit remarquer, le 8 et le 16 fructidor, aux affaires de Sainte-Anne, de la Lombarde, de Saint-Barnouilli, où il commandait la gauche de la division Serrurier. Dans la dernière, il arrêta la marche des Piémontais qui cherchaient à gagner le pont du Var par les vallées de la Tinéa et de la Vésubia, et leur fit un grand nombre de prisonniers, parmi lesquels le colonel Payernoff. Kellermann jugea cette action si importante, surtout dans la situation où se trouvait alors l’armée, qu’il demanda et obtint pour Lasalcette le grade de général de brigade le 7 brumaire an IV.

Au siège de Mantoue, il commanda par intérim la division Serrurier, lorsqu’elle reprit position à Marmirole, après avoir repoussé l’ennemi dans la place et lui avoir enlevé des convois et des prisonniers. Le 20 fructidor, il battit l’ennemi à Saint-Antoine et lui prit l’artillerie qui armait la redoute de cette ville, qui eut lieu le 14 pluviôse an V et marcha sur Rome avec la division Victor. A la suite du traité de Campo-Formio, il fut envoyé dans les îles Ioniennes. Le général Chabot le chargea de la défense de Prevesa sur la côte d’Albanie, au moment où les Turcs et les Russes réunis nous déclarèrent la guerre. II s’y défendit contre 11.000 Albanais, Turcs et Russes, commandés par Ali Pacha, quoique abandonné des habitants et n’ayant à sa disposition que 450 hommes. La garnison étant réduite à 150 combattants, ne pouvant espérer aucun secours, pressé d’ailleurs par un ennemi si supérieur, il capitula. Conduit de cachots en cachots à Constantinople, condamné au bagne avec ses compagnons d’armes, il n’en sortit qu’au mois de ventôse an.IX, par échange avec les prisonniers que l’armée d’Égypte avait faits. Rentré en France, mis en non- activité le 1er vendémiaire an X, il fut employé dans la 7° division militaire le 1er vendémiaire an XI, et reçut, en l’an XII, la décoration de membre de la Légion-d’Honneur le 19 frimaire, et celle de commandant de l’Ordre le 23 prairial. Attaché, le 18 brumaire an XIV, au corps de réserve du maréchal Kellermann comme chef d’état-major, l’Empereur le fit gouverneur du Hanovre le 4 décembre 1806. Il avait un commandement dans la 30° division militaire depuis le 10 juin 1810, lors des événements de 1814. Le 31 août, Louis XVIII le nomma commandant du département de la Loire, et l’admit à la retraite le 24 décembre. Quand l’Empereur revint, en 1815, il l’éleva au grade de lieutenant-général le 22 mars et lui confia la 7e division militaire. Le gouvernement royal ordonna son remplacement le 21 juillet, et annula sa nomination en août. Rentré dans sa position de retraite, il y demeura jusqu’à la Révolution de 1830. Louis-Philippe, par ordonnance du 5 janvier 1832, et en considération de sa promotion pendant les Cent-Jours, lui rendit son grade de lieutenant-général pour prendre rang du 19novembre 1831. Il mourut le 3 septembre 1334. Son nom est gravé sur le monument de l’Étoile, côté Sud. Son frère aîné, Joseph-Claude-Louis Colaud de La Salcette, fut préfet puis député de la Creuse au Corps législatif.

 

Biographie des célébrités militaires des armées de terre et de mer de 1789 à 1850, C. Mullié

 

 

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25 janvier 2013 5 25 /01 /janvier /2013 00:00

 Naissance de Joseph-Louis Lagrange

Nous commémorons aujourd’hui la naissance de Joseph Louis, comte de Lagrange, né à Turin le 25 janvier (alors capitale du royaume de Sardaigne) 1736 et mort à Paris le 10 avril 1813, l’un des hommes de science les plus prestigieux de son temps : mathématicien, mécanicien et astronome. Italien, il est pourtant considéré comme un mathématicien français, de sa propre volonté (la branche paternelle de sa famille étant française).  Issu d’un milieu aisé, son père dispose d'une position très favorable auprès du roi de Sardaigne. Lagrange étudie brillamment à l'université de Turin; son intérêt pour les mathématiques se manifeste à l’âge de 17 ans, à la lecture d'un mémoire de Halley sur l'utilisation de l'algèbre en optique. Très rapidement, il se plonge dans l'étude des mathématiques et obtient des résultats probants. A l'été 1755, deux ans seulement après le début de ses travaux, il écrit une longue lettre à Euler (alors le plus grand mathématicien vivant) sur la détermination de la courbe tautochrone. La méthode que propose Lagrange pour l'obtenir donnera naissance au "Calcul des variations". Cet échange est le prémice d'une riche correspondance entre Lagrange et Euler, marquée par un respect mutuel important. Fin 1755, Lagrange devient professeur à l'école d'artillerie de Turin. Deux ans plus tard, il fonde une académie des sciences. Son talent est très vite reconnu. Il écrit de brillants mémoires où il applique les méthodes du calcul des variations à la mécanique (propagation du son, problème des n-corps, cordes vibrantes). En 1764, Lagrange gagne le Grand Prix de l'Académie des Sciences de Paris, pour son travail sur les librations de la lune et sur le phénomène étrange qui fait que la lune présente toujours la même face à la terre (Lagrange sera un habitué de ce prix, le gagnant à nouveau en 1772, 1774 et 1780). En 1766, grâce à l'appui de D'Alembert, Lagrange succède à Euler au poste prestigieux de directeur des mathématiques à l'Académie des Sciences de Berlin. Il y passera 20 ans, publiant de nombreux mémoires qui touchent tous les domaines des mathématiques et de la mécanique : astronomie, probabilités, théorie des équations algébriques, équations différentielles, théorie des fonctions.  Il se consacre à l'étude du monumental Traité de Mécanique Analytique, où il reprend, complète et unifie les connaissances accumulées depuis Newton. Ce livre, qui devient pour tous une référence, se veut notamment une apologie de l'utilisation des équations différentielles en mécanique. Autant sa vie professionnelle est couronnée de succès, autant sa vie privée est moins heureuse. Il souffre parfois de dépression, et s'il se marie en 1767 avec une de ses cousines, il n'a pas d'enfants, et mariage est malheureux. Il est veuf en 1783. En 1787, après la mort de Frédéric II, Lagrange part pour la France où il devient membre de l'Académie des Sciences de Paris. Il est un des rares à traverser la Révolution sans être inquiété: il est fait Président de la Commission des poids et des mesures, et est à ce titre un des pères du système métrique et de l'adoption de la division décimale des mesures. Les événements le marquent cependant beaucoup, en particulier le guillotinage de Lavoisier, au sujet duquel il déclare, à raison: « Il a fallu un instant pour couper sa tête, et un siècle ne suffira pas pour en produire une si bien faite ». Lagrange participe à la création de l'Ecole Polytechnique, provisoirement nommée Ecole Centrale des Travaux Publics, dont il est le premier professeur d'analyse. Il écrit encore 2 traités mathématiques (Théorie des fonctions analytiques - Résolution des équations numériques. Il décède le 10 avril 1813, après avoir reçu de Napoléon Ier tous les honneurs de la nation française (comte de l'empire, Grand Officier de la Légion d'Honneur).

 

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25 janvier 2013 5 25 /01 /janvier /2013 00:00

 concordat de Fontainebleau

BULLETIN D'INFORMATION gratuit
 
 
 

Le concordat de Fontainebleau ne fut que l’avorton d’une pensée immense. Laissons Napoléon développer lui-même, sur le rocher où le jetèrent ses défaites, la gigantesque conception que lui avaient inspirée ses victoires.

« J’allais relever le pape outre mesure, disait le captif de Sainte-Hélène, l’entourer de pompe et d’honneurs ; je l’eusse amené à ne plus regretter son temporel, j’en aurais fait une idole : il fût demeure près de moi, Paris fût devenue la capitale du monde chrétien, et j’aurais dirigé le monde religieux ainsi que le monde politique. C’était un moyen de plus de resserrer toutes les parties » fédératives de l’empire, et de contenir en paix tout ce qui demeurait au dehors. J’aurais eu mes sessions religieuses comme mes sessions législatives. Mes conciles eussent été la représentation de la chrétienté ; les papes n’en eussent été que les présidons ; j’eusse ouvert et clos les assemblées, approuvé et publié leurs décisions, comme l’avaient fait Constantin et Cliarlemagne : et si cette suprématie avait échappé aux empereurs, c’est qu’ils avaient fait la faute de laisser résider loin d’eux les chefs spirituels, qui ont profité de la faiblesse de ces princes ou de la crise des événements pour s’en affranchir et les soumettre à leur tour. »

Ainsi, comme l’observe M. de Norvins, Napoléon avait voulu être à la fois César, Constantin et Charlemagne, et fondre dans son histoire les trois plus grandes époques de celle du monde. « Quel refuge reste-t-il à la pensée, ajoute l’historie, en songeant que trente jours de moins passés à Moscou ne retardaient peut-être que d’une campagne l’accomplissement de la transmutation politique et religieuse de l’Europe, et la loi de la paix imposée à l’Angleterre ? Une simple erreur de l’esprit, une espérance trompée ont dérobé ce grand spectacle à l’univers.

La marche de Napoléon pour atteindre ce but prodigieux de ses travaux était silencieuse et puissante comme celle du temps. Il attendait le moment favorable pour accomplir cette révoluion des cultes et des empires, et il était loin de chercher à anticiper sa maturité par des actes émanés de sa puissance. Cette considération disculpe Napoléon de l’enlèvement du saint pontife, exécuté à Rome par les ordres de Murât (voy. 6 Juillet 1810) ; mais une fois l’attentat commis, il résolut d’en profiter. Pie VII, dans sa retraite de Savone, eut le temps de se convaincre qu’une excommunication lancée contre un empereur du XIXe siècle était un véritable anachronisme, (voy. 10 Juin 1810.) L’année suivante un concile s’assembla en France voy. 9 Juin et 5 Aout 1811) ; au bout de quelques mois, mécontent du silence que le pape avait gardé relativement à ce concile, en approuvant toutefois une de ses décisions, craignant d’ailleurs un projet d’enlèvement, que semblait indiquer la présence d’une frégate anglaise dans le port de Savone, Napoléon invita le pontife à se rendre au palais de Fontainebleau.

Ce fut là qu’après la campagne de Russie les négociations reprirent leur cours entre le souverain spirituel captif et le souverain temporel fugitif, dont la dernière entrevue datait de l’époque. du sacre. « Les temps étaient bien changés ! Napoléo jugea profondément et habilement sa position. L’hôte, le captif de Fontainebleau lui parut un protecteur que la Providence lui avait ménagé auprès de l’Europe catholique, sur laquelle sa juste défiance portait déjà d’inquiets regards. Aussi, dès son retour de Moscou, il s’était empressé d’écrire au saint Père, et d’après la réponse pleine de bénignité qu’il en avait reçue, il jugea favorable, pour conclure un dernier concordat, cet intervalle que la fortune lui accordait entre deux tempêtes.

Dans cette affaire il semble ne prendre conseil que de lui seul, et vouloir s’en réserver aussi toute l’exécution ; c’est d’une partie de chasse à Grosbois que, le 19 janvier, il part tout-à-coup pour Fontainebleau, où l’on croit qu’il n’est pas attendu par le souverain pontife. Son arrivée émut le pape, et sa conversation le séduisit. Napoléon était doué d’une coquetterie d’esprit et de manières très recherchées quand il voulait persuader ceux qu’il ne pouvait craindre ; car, à ceux dont il avait raison de redouter la puissance, il n’opposait que sa volonté. A peine ces deux souverains ont-ils commencé leur entretien qu’il n’existe plus entre eux aucune forme, aucune trace de la moindre inimitié. ils se sont dit tout à cette première entrevue, qui ouvre et fixe la négociation. Il est vrai que Moscou empêche Napoléon de proposer au pape la résidence de Paris, et de lui faire signer la cession des états romains ; mais l’ancienne résidence pontificale d’Avignon est acceptée, et les bulles seront données aux nouveaux évêques par le pape, ou à son défaut par le métropolitain, six mois après la notification de leur nomination au saint Siège. C’est Napoléon lui-même qui dicte le concordat en présence du saint Père. Ce traité, improvisé dans leur premier entretien, en est la conversation écrite.

Revenu de Moscou à Paris le 19 décembre, le 19 janvier Napoléon, en moins de deux heures, a terminé la guerre pontificale. Ce fut une des plus belles victoires qu’il eût gagnées en personne. »

Quatre jours de conférence entre les conseils du pape et ceux de l’empereur donnèrent au traité le caractère de maturité qui devait te rendre respectable. Enfin, le i5 janvier, le pape vint lui-même, en présence de toute la cour impériale et suivi de la sienne, apporter le concordat à l’empereur. Cet acte fut signé par les deux souverains avec la plus grande solennité, sans insultes, sans outrages d’une part, sans contrainte, au moins physique, de l’autre. Il y eut à ce sujet échange de félicitations, de jubilations, de grâces, de reliques saintes, de chapelets bénits, de croix, de décorations, de tabatières enrichies de brillants, etc., et d’autres faveurs encore plus précieuses.

Le 13 février, le concordat fut publié comme loi de l’État. Le 24 mars suivant le saint Père écrivit à Napoléon une longue lettre, clans laquelle il lui déclarait ne pouvoir tenir le pacte auquel il s’était soumis. Voici en quels termes l’empereur parlait du désaveu pontifical, le 22 avril 18i3, en dînant à Mayence avec le maréchal de Kellermaun : « Croiriez-vous que le pape, après avoir signé librement et de son plein gré ce concordat, m’écrivit quelques jours après qu’il était bien fâché de l’avoir signé, que sa conscience lui en faisait un reproche, et qu’il me priait avec instance de le regarder comme non avenu. Je lui répondis que ce qu’il me demandait était contraire aux intérêts de la France ; qu’étant d’ailleurs infaillible, il n’avait pu se tromper, que sa conscience était trop prompte à s’alarmer, etc... Le maréchal rit beaucoup. »

En effet, il y avait de quoi, et il en était temps encore, mais il fallait se hâter : les événements de 1814 vinrent au secours de la conscience du pape, et le relevèrent des promesses dont cette voir intérieure lui reprochait l’imprudence.

 

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24 janvier 2013 4 24 /01 /janvier /2013 00:00

Le 24 janvier 1812

Suchet

·         Le Pape écrit à Napoléon, lui exposant dignement les raisons qui l’obligent à repousser l’extension qu’il lui réclame, des nominations à tous les évêchés. 

·         Suchet est nommé à cette date duc et se voit attribuer comme fief le lac d’Albufera sur les bords duquel son armée s’était illustrée, le 26 décembre dernier. A priori l’idée d’ériger un lac, si grande que pût être sa surface, en duché pouvait paraître étrange. Mais, en réalité, Napoléon faisait à Suchet un fort beau cadeau, d’une surface d’environ 30 km². L’Albufera est un lac d’eau douce relié à la Méditerranée par un canal. A l’époque, où Suchet en prit possession, il était fort poissonneux et ses rives très giboyeuses. Le rapport des nombreuses pêcheries et de la location des chasses représentait un coquet revenu. De plus, des terres s’étendant sur quatre mille hectares sur lesquelles s’élevaient six petites localités complétaient la donation. L’ensemble des fermages, métayages, et autres loyers allait mettre Suchet plus qu’à son aise. Il n’allait les percevoir que pendant un peu plus d’un an. (Frédéric Hulot – « Le maréchal Suchet » Ed. Pygmalion – Paris – 2009 – p. 167) 

C.F.

 

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24 janvier 2013 4 24 /01 /janvier /2013 00:00

 Naissance du Comte Louis-Mathieu Molé

Pair des Cent-Jours, pair de France, ministre, représentant en 1848 et 1849, né à Paris le 24 janvier 1781, mort au château de Champlâtreux (Seine-et-Oise) le 23 novembre 1855, fils de Molé de Champlâtreux, président au parlement de Paris, mort sur l'échafaud le 1er floréal an II, et de mademoiselle de Lamoignon, parente de Lamoignon de Malesherbes, passa avec sa mère ses premières années en Suisse et en Angleterre, et, de retour en France (1796), termina ses études classiques. Il avait vingt-six ans lorsqu'il débuta (1806) dans la littérature par les Essais de morale et de politique, qui eurent deux éditions : la seconde était accompagnée d'une vie de Mathieu Molé, aïeul de l'auteur. Cet ouvrage, qui faisait un pompeux éloge des institutions impériales, fut juge diversement : Fontanes le traita avec beaucoup de bienveillance dans le Journal de l'Empire, depuis Journal des Débats, et présenta à Napoléon le jeune écrivain, qui devint successivement auditeur au conseil d'Etat, et maître des requêtes (1806). Rapporteur au conseil d'Etat, en 1806, de la loi d'exception que l'empereur voulait édicter contre les juifs, après les avoir vus à Strasbourg maîtres de presque tous les immeubles de la région par l'hypothèque et par l'usure, M. Molé ne put concilier ces mesures avec les lois égalitaires de la Révolution, et conclut à la reconnaissance officielle de la religion israélite. L'empereur le nomma commissaire impérial au Sanhédrin israélite, puis préfet de la Côte-d'Or (1807), conseiller d'Etat, directeur général des ponts et chaussées (1809), comte de l'Empire (29 septembre de la même année), et commandeur de l'ordre de la Réunion. Le comte Molé montra un réel dévouement pour l'empereur et sa dynastie, et ce fut lui que le gouvernement chargea (12 novembre 1813) de faire au Sénat la proposition d'attribuer à Napoléon, par un sénatus-consulte, la nomination du président au Corps législatif sans présentation de candidat, mesure fondée sur ce que « les usages du parlement, écrit un biographe, exigeaient une connaissance particulière des étiquettes et des formes, qui, faute d'être bien connues, pouvaient donner lieu à des méprises et à des lenteurs que les corps interprétaient toujours mal. » Molé succéda, le 20 novembre 1813, à Régnier, duc de Massa, dans les fonctions de ministre de la Justice : il les exerça jusqu'au 2 avril 1814. En sa qualité de « grand juge », il accompagna, ainsi que tous les autres ministres, l'impératrice Marie-Louise, lorsqu'elle se rendit à Blois. La première Restauration le tin-à l'écart des emplois publics. Ce ne fut que comme membre du conseil municipal de Paris qu'il signa, quelques jours avant le 20 mars 1815, la fameuse adresse présentée au roi et dans laquelle se trouvait cette phrase : « Que nous veut cet étranger pour souiller notre sol de son odieuse présence? » A son retour, Napoléon lui laissa, pendant les Cent-Jours, la direction des ponts et chaussées et sa place au conseil d'Etat. Le comte Molé refusa de signer la déclaration du conseil d'Etat du 25 mai contre les Bourbons, il quitta même la séance pour ne pas prendre part à la délibération. Vivement blâmé par l'empereur, il s'excusa en disant « qu'il n'avait pas cru pouvoir s'associer à un manifeste contenant ce blasphème politique : que Napoléon tenait sa couronne du vœu et du choix du peuple français ». Cependant Napoléon le nomma, le 2 juin, pair des Cent-Jours ; mais M. Molé partit pour les eaux de Plombières, écrivit de là pour s'excuser de siéger, et attendit les événements. Revenu à Paris après Waterloo, il fit parvenir à Louis XVIII l'assurance de son « Inaltérable fidélité », rentra au conseil d'Etat, fut renommé (9 juillet 1815) directeur général des ponts et chaussées, et, le 17 août suivant, fut promu à la Chambre des pairs. Dans le procès du maréchal Ney, il vota pour la mort; certains biographes affirment qu'il usa ensuite de son influence pour arracher quelques autres victimes à la terreur blanche. Bientôt, le maréchal Gouvion-Saint-Cyr étant passé du ministère de la Marine au ministère de la Guerre, Molé reçut (12 septembre 1817) le portefeuille de la Marine, qu'il garda jusqu'au 28 décembre 1818. Ce fut lui qui, dans la session de 1818, présenta à la Chambre haute le projet de loi sur la liberté de la presse. Il prit d'ailleurs une part active aux mesures qui signalèrent le ministère présidé par le duc de Richelieu, et quitta le pouvoir, avec cet homme politique, lors de la dislocation partielle du cabinet, causée par les élections de La Fayette, de Manuel et de Benjamin Constant. Il siégea dès lors, à la Chambre des pairs, parmi les royalistes constitutionnels, et combattit plusieurs fois à la tribune les opinions des ultras. A la séance du 28 mars 1826, il parla le premier contre le rétablissement du droit d'aînesse, au nom des intérêts moraux de la famille et des intérêts financiers de l'Etat. Après la révolution de juillet, le comte Molé fut appelé, dès le 11 août 1830, par Louis-Philippe, au ministère des Affaires étrangères ; il travailla à faire reconnaître le nouveau roi par les puissances étrangères, et adopta, non sans quelque hésitation, le principe pacifique, cher au roi, de la non-intervention. Mais son impopularité et quelques dissentiments avec ses collègues le forcèrent, au 1er novembre suivant, de résigner son portefeuille. Après la crise ministérielle du 6 septembre 1836, il fut chargé de former un nouveau cabinet, et reprit, avec la présidence du conseil (G septembre 1836-30 mars 1839), le département des Affaires étrangères. Au premier rang des difficultés dont Thiers lui laissait l'héritage, le comte Molé trouva la question suisse et l'affaire Conseil. Persuadé qu'il n'y avait rien de vrai dans la mission d'espionnage attribuée à Conseil, et que les protestations de la diète contre le rôle de la France et de son roi n'étaient que le résultat d'une trame ourdie par les réfugiés pour perdre l'ambassadeur français, le comte Molé n'hésita pas à inter rompre toute relation diplomatique avec la Suisse. A la vérité la querelle se trouva apaisée presque aussitôt, la Suisse n'ayant pas persisté dans ses réclamations. Le complot de Louis Bonaparte, les attentats sans cesse renouvelés contre la vie du roi, vinrent susciter bientôt d'autres embarras au cabinet, dont un des premiers actes avait été l'élargissement des prisonniers de Ham, les ex-ministres de Charles X. Il eut enfin à lutter contre la fameuse coalition, dont Thiers et Guizot, écartés du ministère le 15 avril 1837, et s'alliant avec la gauche, devinrent les chefs les plus ardents. Cette année 1837 s'était annoncée par de vifs débats parlementaires. Ce fut au sujet de l'Espagne que Thiers engagea la lutte contre le cabinet. Il s'efforça de prouver que le rôle du président du conseil à l'égard de ce pays n'avait ni éclat ni grandeur ; que les destins de la monarchie constitutionnelle en France étaient liés à la conservation de la royauté d'Isabelle en Espagne ; que l'intervention au delà des Pyrénées contre l'absolutisme de don Carlos nous était commandée par notre alliance avec les Anglais, etc. Molé opposa à ces considérations l'élasticité manifeste des termes dans lesquels le traité de la quadruple alliance était conçu, les inconvénients d'une politique d'aventures, et les hésitations de son rival au pouvoir, dans cette même question espagnole. La Chambre se tint cette fois pour satisfaite. « Un jugement droit, écrit un historien, une élocution sans relief, mais suffisante et sobre, beaucoup de tenue, de la présence d'esprit et du sang-froid, de l'habileté dans le maniement des hommes, tout ce qui donne l'habitude des grandes relations, l'expérience des affaires, une politique apprise à l'école de l'Empire, et par conséquent le goût du despotisme, mais avec cela, une facilité singulière à se plier au joug des circonstances, peu d'élévation dans les vues, nulle hardiesse dans l'exécution, un amour-propre inquiet et trop aisément irritable : voilà ce que M. Molé avait apporté aux affaires en qualités et en défauts. » Guizot ne lui pardonnait pas de prétendre avoir le pas sur ses collègues. « M. Molé, devant M. Guizot, c'était la susceptibilité patricienne aux prises avec l'orgueil. Le premier s'irritait d'avoir la suprématie à conquérir, le second affectait, à l'égard de l'homme qui la lui contestait, une sorte d'étonnement dédaigneux dont rien n'égalait l'injure. De là un duel sourd, dans lequel les conceptions législatives, les desseins politiques, 1 emploi des agents, les mesures les plus générales on apparence n'entraient que comme des armes à l'usage de la jalousie. » La direction donnée au procès de Strasbourg et l'issue des débats inspirèrent au comte Molé la pensée de faire accorder au ministère le droit d'éloigner arbitrairement de Paris quiconque paraîtrait trop dangereux ; le chef du cabinet abandonna son projet, non sans humeur, à la suite d'une démarche de M. Duvergier de Hauranne, et finit par s'arrêter à trois projets de loi inspirés d'ailleurs par les mêmes sentiments. Le premier, dit « de disjonction ». portait que lorsque des crimes prévus par certaines lois déterminées auraient été commis en commun par des militaires et des individus appartenant à l'ordre civil, ceux-ci seraient renvoyés devant les tribunaux ordinaires et ceux-là devant les conseils de guerre. Le second demandait qu'on établit à île Bourbon une prison destinée à recevoir les citoyens déportés. Le troisième menaçait de la réclusion quiconque ne révélerait pas, en ayant connaissance, les complots formés contre la vie du roi. En même temps, les ministres conviaient la Chambre à constituer au duc de Nemours un riche apanage et à accorder à la reine des Belges une dot d'un million. La première de ces trois lois émut gravement la conscience publique et souleva à la Chambre une très vive opposition : Dupin lui-même l'attaqua avec une verve mordante, qu'appuyèrent MM. Delespaul, de Golbery, Nicod. Lamartine crut devoir défendre le projet ; mais MM. Charamaule, Parant, Moreau (de la Meurthe), Persil, Chaix-d'Est-Ange, Berryer, revinrent à la charge, et vainement M. de Salvandy, rapporteur, essaya de justifier son œuvre, on l'écouta à peine et la loi fut rejetée par 211 voix contre 209. Une crise ministérielle paraissait inévitable. Pourtant, le cabinet tint bon, et la loi d'apanage fut présentée : la cour, non contente de demander un million pour la dot de la fille aînée du roi, reine des Belges, et un accroissement de revenu d'un million pour l'héritier présomptif le duc d'Orléans, réclamait pour le duc de Nemours le domaine de Rambouillet, en y ajoutant les forêts de Sénouche, de Châteauneuf et de Montécaut. Accueillie d'abord sans murmures dans les bureaux de la Chambre, la proposition ne fut pas plus tôt connue du public, que l'irritation des esprits s'accrut : un pamphlet sorti de la redoutable plume de Cormenin vint encore l'attiser. C'est alors que le cabinet fut obligé de se dissoudre. Après quelques semaines passées en essais inutiles de combinaisons, les membres qui représentaient le parti des « doctrinaires » se retirèrent, et Molé resta chargé du soin de constituer un nouveau cabinet qui fut annoncé au Moniteur le 15 avril, et dans lequel il conservait avec la présidence du conseil les Affaires étrangères. Le cabinet remanié s'annonça comme un ministère de conciliation: il retira la loi sur la dotation du duc de Nemours ; celles qui concernaient le duc d'Orléans et la reine des Belges furent votées le 22 avril. Le comte Molé négocia, vers la même époque, le mariage du duc d'Orléans. Puis, ne tenant pas pour suffisante la majorité peu nombreuse et peu solide qu'il trouvait à la Chambre, il fit signer au roi, le 30 octobre, une ordonnance qui dissolvait la Chambre et qui convoquait les électeurs pour le 24 novembre. La discussion de l'adresse à la Chambre nouvelle remit sur le tapis l'exécution du traité de la quadruple alliance et amena un nouveau débat entre MM. Thiers et Molé. Les diverses oppositions redoublaient d'ardeur contre le cabinet : une polémique engagée dans la presse les décida à se concerter pour renverser le ministère du 15 avril. La coalition employa toute l'année 1838 à préparer la campagne décisive pour la session de 1839. La discussion de l'adresse fut le champ de bataille où les coalisés attaquèrent le ministère. Devant la Chambre, le combat fut âpre, acharné, surtout entre Guizot et Molé. Un seul trait suffira à donner le ton de la lutte. Guizot accusait son adversaire de n'être qu'un courtisan et lui appliquait le mot de Tacite : Omnia serviliter pro dominatione. De. son banc, Molé jeta à Guizot cette cruelle réplique : « Monsieur, ce n'est pas des courtisans que Tacite parlait, c'était des ambitieux... » Cette lutte grandit singulièrement le ministre, dont la défense étonna à la fois ses adversaires et ses amis. Bien que l'Adresse, rédigée par les coalisés, ne fût pas adoptée sans modifications, le jour même du vote (8 mars) le comte Molé remit au roi la démission du cabinet, dont la chute devint irrévocable le 30 mars 1839, lorsque fut connu le résultat des nouvelles élections législatives, défavorables aux ministres.

 

Eloigné dès lors du premier plan de la politique, Molé fut élu, l'année suivante, à l'unanimité moins une voix, membre de l'Académie française. Ce fut lui qui y reçut, le 29 janvier 1846, Alfred de Vigny, et l'on remarqua le ton aigre-doux de sa réponse au discours du récipiendaire dont il avait été auparavant un des protecteurs les plus actifs. En 1844, M. Crémieux ayant fait voter par la Chambre « qu'aucun membre du parlement ne pourrait être adjudicataire ou administrateur dans les compagnies de chemins de fer auxquelles des concessions seraient accordées », M. Molé, qui était président du conseil d'administration de la compagnie de l'Est, se trouva visé : « Je leur jetterai au nez tous les chemins de fer passés, présents et futurs, » écrivait-il à M. de Barante. Son nom fut souvent mis en avant dans plusieurs crises, et, en février 1848, Louis-Philippe le nomma président d'une des dernières combinaisons ministérielles qui ne purent d'ailleurs aboutir. Après la révolution de février, le comte Molé fut porté candidat à l'Assemblée constituante par les « anciens partis », dans le département de la Gironde, en remplacement de Lamartine, qui avait opté pour la Seine : élu représentant, le 17 septembre 1848, par 22,818 voix (45,527 votants, 173,778 inscrits), il siégea dans les rangs de la droite, dont il fut un des chefs; sans prendre souvent la parole, il n'en eut pas moins d'influence. Il vota contre l'amendement Grévy sur la présidence, contre le droit au travail, pour l'ensemble de la Constitution, pour la proposition Rateau, contre l'amnistie, pour l'interdiction des clubs, pour les crédits de l'expédition de Rome, contre la demande de mise en accusation du président et de ses ministres. Il avait favorisé ouvertement, en vue de l'élection présidentielle du 10 décembre 1848, la candidature du général Cavaignac. « Il a sauvé la nation, qui ne pourra jamais l'oublier, » déclarait-il à la tribune le 26 octobre. Rallié ensuite au gouvernement de L.-N. Bonaparte, il soutint à l'Assemblée législative, où il fut réélu, le 13 mai 1849, représentant de la Gironde, le Se sur 13, par 69,635 voix (125,601 votants, 179,161 inscrits), toutes les mesures qui signalèrent l'accord du pouvoir exécutif et de la majorité, appuya l'expédition de Rome, la loi Falloux-Parieu sur l'enseignement, fut membre de la commission des dix-sept qui prépara la loi du 31 mai sur le suffrage universel, mais se sépara du prince-président quand la politique de l'Elysée devint contraire aux intérêts monarchiques. Il se prononça contre le coup d'Etat, et figura parmi les représentants qui protestèrent, le 2 décembre 1851, à la mairie du 10e arrondissement. Rentré dans la vie privée, il mourut à son château de Champlâtreux, d'une apoplexie foudroyante, le 25 novembre 1855. Le comte Molé avait été conseiller général de Seine-et-Oise. Il était, depuis le 17 octobre 1837, grand-croix de la Légion d'honneur. On a de lui, outre l'écrit cité plus haut, quelques Mémoires et un certain nombre de Discours. 

Biographie extraite du dictionnaire des parlementaires français de 1789 à 1889 (A.Robert et G.Cougny)

 

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1er Consul

2 août 1802 jusqu'au 18 mai 1804

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Napoléon Ier

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18 mai 1804 au 6 avril 1814 et du 20 mars 1815 au 22 juin 1815

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